mardi 2 avril 2013

La disparition de Jim Sullivan (Tanguy Viel)















Dwayne Koster, la cinquantaine, est prof d'université à Ann Harbor, tout près de Detroit, Michigan. Il est divorcé de Susan qui l'a trompé avec l'un de ses anciens collègues, celui qu'il déteste le plus, pour couronner le tout. Assis au volant de sa vieille Dodge devant chez elle, il remonte le fil de son histoire, revivant la façon dont ils en sont arrivés là ...

Voilà, ça c'est le postulat de départ, qui, convenons-en, ne brille à priori pas par son originalité ...
Et ce n'est pas grave du tout car le principal interêt du livre n'est pas là. Non, le parti pris, vraiment original et très intéressant pour le coup, est que l'auteur, tout ce qu'il y a de plus français pourtant, annonce clairement son intention : écrire un roman typiquement américain ! Et il explique, au fur et à mesure qu'il l'écrit, les différents ingrédients qu'il y met pour atteindre son but, se regardant écrire et se commentant lui-même. Ca peut fait faire peur, dit comme ça, paraître vraiment tiré par les cheveux ou super ennuyeux mais ce n'est pas du tout le cas : c'est tout simplement brillant et très marrant !

Quelques exemples : 

"J'ai remarqué cela aussi dans les romans américains, que toujours un des personnages principaux est professeur d'université..."

C'est on ne peut plus vrai, et l' on pense immédiatement à Philip Roth, par exemple ...

"Même si je n'aime pas trop les flash-backs, je savais qu'il faudrait en passer par là, qu'en matière de roman américain, il est impossible de ne pas faire de flash-backs, y compris des flash-backs qui ne servent à rien..."

"Ce sont surtout des choses comme ça, ai-je souvent pensé, que le romancier américain aurait écrites, je veux dire, pas seulement l'odeur des pins dans la nuit éclairée, pas seulement le bruissement des érables dans le vent du soir, mais de quoi déchiffrer dans les plissements des fronts, dans l'inquiétude des lèvres, ce qui se passait dans la tête de chacun, les pensées passagères et les désirs souterrains..."

N'est-ce pas autant d'ingrédients que l'on retrouve aussi, avec d'autres incontournables, dans La vérité sur l'affaire Harry Québert de Joël Dicker qui lui aussi, à sa façon, a voulu écrire un roman américain ?
Surtout n'allez pas croire, encore une fois, parce que je mets les extraits bout à bout, que ça ne se résume qu'à une introspection d'écriture un peu lourde, non non ... ça se met en place habilement dans un vrai récit, avec beaucoup d'humour, de légèreté, de second degré, et n'empêche pas l'intrigue de se dérouler  jusqu'au bout de façon cohérente, en accrochant le lecteur. Et ce qui aurait pu, à la longue, devenir lassant, est parfaitement maîtrisé sur le format  court de ce drôle (dans les 2 sens) de roman. Une excellente surprise de lecture pour moi !
Quant à la disparition du Jim Sullivan du titre, ça je vous laisse découvrir par vous-mêmes de quoi il retourne ...

Allez, un dernier (long) extrait pour le plaisir :

"Je ne dis pas que tous les romans internationaux sont des romans américains. Je dis seulement que jamais dans un roman international, le personnage principal n'habiterait au pied de la cathédrale de Chartres. Je ne dis pas non plus que j'ai pensé placer un personnage dans la ville de Chartres mais en France, il faut bien dire, on a cet inconvénient d'avoir des cathédrales à peu près dans toutes les villes, avec des rues pavées autour qui détruisent la dimension internationale des lieux et empêchent de s'élever à une vision mondiale de l'humanité.
Là-dessus, les Américains ont un avantage troublant sur nous : même quand ils placent l'action dans le Kentucky, au milieu des élevages de poulets et des champs de maïs, ils parviennent à faire un roman international.
Même dans le Montana, même avec des auteurs du Montana qui s'occupent de chasse et de pêche et des provisions de bois pour l'hiver, ils arrivent à faire des romans qu'on achète aussi bien à Paris qu'à New York. Cela, c'est une chose qui m'échappe. Nous avons des hectares de forêts et de rivières, nous avons un pays qui est deux fois le Montana en matière de pêche et de chasse et nous ne parvenons pas à écrire des romans internationaux."

 L'avis de Reading in the rain, très proche du mien ...



10 commentaires :

  1. Il me fait de l'oeil, mais je commencerai par un Paris-Brest bien de chez nous avant ce roman américain. ;-)

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  2. Je veux le lire, pas de souci, depuis un peu de temps!!! Insoupçonnable, du même auteur, m'avait déjà beaucoup plu.

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    1. Jamais rien lu d'autre de lui avant !
      J'avoue qu' à la lecture de celui-ci, j'ai pensé plusieurs fois à toi, entre autres lors de l'extrait sur le Montana et les grands espaces de chasse et de pêche !!! ;-))

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  3. Brillant et très marrant ? Tu me donnes envie, même si l'éditeur propose plutôt des titres intellectuels.

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  4. C'est ce que j'aime beaucoup chez T. Viel : il part d'histoires banales, des choses qu'on a déjà lues ou vues et grâce à son écriture, il tient le lecteur. Je n'ai pas encore lu celui-ci, mais forcément je le ferai

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    1. J'ai découvert l'auteur avec celui-ci et j'ai bien aimé, j'en lirai sans doute un autre à l'occasion ...

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  5. Je n'ai pas encore lu Tanguy Viel. Ce sera peut-être avec lui-ci ?

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    1. Moi non plus, je n'avais rien lu de lui avant et ça m'a plutôt donné envie d'en découvrir plus ...

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