En vacances sur la lune avec ses copains, Titus, un adolescent dont la vie est conditionnée depuis l'enfance par l'interface implantée dans son cerveau, rencontre Violet. Elle est très belle et l'attire irrésistiblement mais elle a aussi des comportements étranges. Elle semble, par exemple, être capable de penser par elle-même et de brouiller son interface ...
Un roman que je suis contente d'avoir lu pour différentes raisons ...
D'abord, j'ai enfin appris ce que signifie le mot dystopie (une contre-utopie, un récit de fiction décrivant une société imaginaire qui empêche ses membres d'atteindre le bonheur, régissant tout de façon totalitaire par l'uniformisation et la technologie ... 1984 en est le meilleur exemple) un genre que j'affectionne particulièrement donc et dans lequel je découvre des perles en ce moment : La ballade de Lila K , le Passeur, celui-là, d'autres à venir encore ...
En parlant du Passeur, c'est aussi l'une des raisons pour lesquelles je me félicite d'avoir découvert Interface ... il s'agit en effet dans les 2 cas d'un livre Jeunesse, une catégorie à laquelle je ne m'intéressais pas tellement jusqu'à il y a peu mais j'ai choisi d'y remédier ... en me basant sur vos suggestions, au fil des blogs !
Enfin, ce roman ayant été dévoré au moment où je n'avais plus ni téléphone ni connexion, j'étais donc particulièrement bien en condition pour apprécier la dépendance terrible dans laquelle internet nous a tous déjà mis (pour preuve, vos messages souhaitant que surtout, ça ne dure pas trop longtemps, l'une d'entre vous disant même "pas de connexion, l'horreur! "
;-)) et qui est encore de la rigolade par rapport à ce qui est décrit dans ces pages et qui nous pend pourtant au nez !
Car s'il fait froid dans le dos, le modèle décrit par l'auteur n'est pas si éloigné de ce que nous vivons déjà sur bien des plans : une société de consommation reine qui rend les gens ignares dès l'adolescence, tout préoccupés qu'ils sont seulement par le dernier produit à la mode, un flicage permanent des goûts des consommateurs (qui ne sont plus vraiment des personnes avec leurs envies propres mais des entités faisant partie de profils de consommateurs) pour les inonder de pubs ciblées, leur dicter leurs besoins avant même qu'ils ne les formulent (tiens, tiens , ça ne vous dit rien ?), le tout en revanche sans passer par une interface externe dont nous possédons déjà de multiples avatars (ordis, mobiles et autres Ipad ...) mais grâce une interface interne, bien plus efficace : une puce implantée dans le cerveau dès la naissance, elle-même déclenchée en éprouvette avec des critères bien précis ! Pendant ce temps là, on découvre que le reste du monde va mal, très mal, asphyxié par la pauvreté et la pollution mais les privilégiés qui vivent à l'abri (américains, dans le cas présent) n'ont pas à s'en préoccuper, conditionnés à consommer toujours plus sans voir qu'ils précipitent encore leur perte par leur manière de vivre ! Et puis, véritable cauchemar pour nous autres, amoureux des mots, plus personne ne lit et plus besoin de parler non plus puisqu'on peut communiquer directement par l'interface et tant pis si le langage s'appauvrit, réduit à un vocabulaire purement utilitaire, et si la communication entre les êtres devient de plus en plus virtuelle, de moins en moins réelle ! Plus rien à apprendre non plus, juste un savoir prémaché déversé directement et de bonnes habitudes d'acheteurs à acquérir ... et pour ne pas disjoncter, un bon bogue programmé de temps en temps !
Bref, une analyse impitoyable de nos dérives actuelles et probablement futures, servie par une histoire qui tient la route.
Et largement de quoi méditer ...
Extraits :
-" L'Interface déversait à nouveau ses bienfaits en nous, comme avant. Nous retrouvions nos fichiers, nos favoris, nos lignes de communication par interface. Tout ça s'écoulait en nous comme de l'eau, se déversait sur nous comme une averse de printemps, sous laquelle nous dansions de joie."
-" Ce que je fais, ce que j'essaie de faire depuis deux jours, par l'interface, c'est de créer un profil de consommateur tellement confus que personne ne saura quoi lui vendre. Je refuse de me laisser cataloguer. Je vais me rendre invisible ! "
-" A l' époque où personne ne voulait plus débourser un sou pour l'enseignenement public, où les établissements étaient gangrénés par les flingues et la drogue et les professeurs d'anglais aux moeurs douteuses, quelques grands groupes médiatiques se réunirent et investirent beaucoup d'argent pour racheter les écoles et leur offrir des ordinateurs, des pizzas gratuites au déjeuner et tout le reste. Désormais, on y apprend à faire fonctionner la technologie, à dénicher les bonnes affaires, à décrocher un bon boulot ou à décorer sa chambre. "
- " Tout ce qui me vient à l'esprit quend je pense à la vrai vie, à vivre ma vie à fond, toutes ces idées proviennent directement de génériques de sitcoms. "
C'est grâce à
Brize, férue de SF, d' anticipation et donc de dystopies que j'ai eu envie de me plonger dans Interface ( son billet
ici ). Enfin "grâce"... est-ce vraiment le bon mot ? " A cause " d'elle ( plutôt
;-)) que j'ai aussi acheté Corpus Delicti (Julie Zeh) et Terrienne (Jean-Claude Mourlevat) lectures prochaines ...