dimanche 30 décembre 2012

Novecento : pianiste (Alessandro Baricco)















Abandonné à la naissance sur un paquebot transatlantique et baptisé de ce nom par le marin qui l'a trouvé, Novecento passera toute sa vie sur ce bateau, sans jamais descendre à terre, et deviendra le plus grand pianiste du monde, jouant de manière quasi surnaturelle...

Interpellée par le billet de Catherine et me souvenant que le livre traînait dans la chambre de mon fils depuis qu'il l'avait étudié au collège, je me suis offert la lecture de ce court intermède de 84 pages. Sans être tout à fait conquise comme Catherine (nous sommes souvent en phase sur nos lectures à un point étonnant) j'ai tout de même trouvé du plaisir à découvrir cette fable sur le pouvoir de la musique, la force de l'imagination et les limites que se crée lui-même l'être humain. L'écriture, un monologue conçu au tout départ pour être dit au theâtre, emporte en alliant poésie débridée mais aussi humour plus terre à terre, par moments.
Et c'est tellement vite lu,  qu'il n'y a pas vraiment de raison de passer à côté s'il croise votre chemin ...


vendredi 28 décembre 2012

A l'angle du renard (Fabienne Juhel)















Arsène Le Rigoleur, paysan breton de 40 ans, vit depuis toujours dans la ferme où il est né. La terre, c'est toute sa vie et quand la bâtisse juste en face de chez lui est investie par un couple de citadins avec leurs deux enfants, il ne voit pas ça d'un très bon oeil. Pourtant, la petite Juliette, 5 ans, un vrai feu-follet, va trouver le chemin de son coeur. Mais gare à ne pas trop empiéter sur son territoire ni à déterrer les secrets bien enfouis...

Suite à de nombreux billets élogieux parus quand ce roman est sorti, ma curiosité avait été éveillée et je n'avais pas oublié cette singulière histoire de paysan et de renards. Une fois édité en poche, je me suis donc plongée dedans et immergée dans cette étrange atmosphère entre réalité crue, contes et légendes rurales, rêve éveillé. Car effectivement, l'originalité et l'interêt de ce livre tiennent principalement à deux choses : un univers à part et une écriture très évocatrice. On est dans le réel on ne peut plus réel du monde paysan : les deux pieds dans le fumier, les deux mains dans la glaise, avec un Arsène Le Rigoleur loin de faire honneur à son nom, taiseux comme il se doit. Et dans le même temps, la symbolique du renard court tout au long de l'histoire, la rendant poétique, onirique, totalement irréelle, par moments. Un mélange étonnant parfaitement réussi, maîtrisé grâce une langue riche, puissante, tour à tour âpre ou délicate, qui court tel un fil, que l'on suit, irrésitiblement entraîné, tout au long du récit. Il y a là de la dureté, de la tendresse, de la violence, de l'amour, de l'humour aussi et Arsène, pourtant véritablement inquiétant, ne parvient néanmoins pas à se rendre réellement antipathique.
Un vrai ton donc pour cette auteure dont j'ai maintenant envie de découvrir Les oubliés de la lande ...

Beaucoup d'autres avis positifs : SylireYvSandrineClara,
CathuluMirontaine etc ...

Extraits : 

"Entrer ici, c'est rencontrer un siècle d'histoire. Et sans parler d'histoire, faut en vouloir. Cette maison, on croirait à un visage endormi dans une mélancolie agricole, avec ses deux fenêtres qu'on dirait des paupières de pocharde à cause des barreaux violets, sa porte basse et son front borné, écrasé par un toit trapu mangé de mousse où l'ardoise est rare."

"Ca sent le poireau et les pommes de terre, un peu le chou macéré, la soupe d'hier et celle de l'année dernière. Ca sent le plâtre humide sur les murs léchés de vapeur. Ca sent la sueur des aisselles, la crasse et la vieille vaisselle. Ca sent l'ancienne vie."

"Il porte des culottes courtes et des petites bottes vertes avec les grandes chaussettes qui dépassent. Ca fait qu'il reste un petit bout de peau nue au-dessus du genou. 
Comment je peux expliquer, moi, le pouvoir de ce petit bout de peau nue. Faudrait que je décrive exactement mon sentiment. 
D'abord c'est rien qu'un bout de chair nue je me dis. Mais c'est sûr, y a un truc. Une sorcellerie, dirait la Mère. C'est peut-être que ce petit bout de chair fraîche sent l'enfance, un peu aussi les sentiers de ronces. Sur les ronces, il y a des mûres, forcément. Et puis ce petit bout de chair nue appelle les égratignures, le mercurochrome, les soins d'une mère. Ce serait comme une invitation aux vacances. Peut-être que ça a un rapport avec mes siestes passées à l'angle de la maison de grand-mère, autrefois. 
Voilà ce qu'il y a à en dire. Pas grand-chose au final. Un petit bout de genou quand même. Rien qu'un morceau de chair fraîche. Ca frissonne dans ma mémoire animale. En tout cas, ça me rend sentimental, c'est sûr."

" Pendant ce temps-là, les renards s'étaient positionnés face à la maison. Certains étaient couchés, le museau mussé entre les pattes comme de bons chiens de garde. D'autres sur le séant, d'autres encore bien campés sur leurs pattes. Tous immobiles et silencieux. Pas des renards empaillés non. Vrai de vrai, fallait voir leurs yeux, le feu dans leurs prunelles. 
Un moment ta mère a crié. Ils ont relevé la tête vers la fenêtre de la chambre. Ils ont halené l'air. Manquerait plus qu'ils se mettent à hurler, j'ai pensé. Et puis j'ai eu comme une illumination, je me suis dit ils viennent chercher ton frère, je vois pas d'autres explications. C'est le diable qui nous les envoie."

"Quand Marie Maffart s'adresse directement à moi, j'ai remarqué comme un vacillement dans son regard. Ses yeux se remplissent de petites paillettes jaunes. On peut parler d'éclairs. Des miniatures d'éclairs même. Et le sourire qui suit la trajectoire de ses petits éclairs, à Marie Maffart, ressemble pas à un sourire. C'est un sourire qui montre les dents. Que les dents."

mercredi 26 décembre 2012

Terminus Elicius (Karine Giebel)















Istres-Marseilles, Marseilles-Istres, chaque jour Jeanne fait le même trajet entre la maison et son travail, une routine bien rodée pour une vie sans surprises, volontairement mise entre parenthèses. Jusqu'à ce qu'elle trouve une lettre à la place qu'elle occupe toujours dans le train. La 1ère lettre du tueur qui sévit en ce moment à Marseilles et qui a choisi Jeanne comme confidente ...

Restons dans le polar qui ne ressemble pas à n'importe quel polar ... Cet été j'ai découvert l'univers de Karine Giebel et ça a été un vrai coup de coeur ! Des intrigues bien menées, riches et toujours renouvelées ... pas de redite ou de ficelle recyclée chez elle ... des personnages fouillés, crédibles, présents et des fins inimitables qui sont sa signature. Un ton et une vraie personnalité, quoi !!! Je termine (hélas) par où elle avait commencé puisque Terminus Elicius est en fait son tout premier roman (prix marseillais du polar en 2005). Et je me suis régalée comme avec les autres, pas de sensation de balbutiement ou de maladresse dans Terminus Elicius qui est déjà complètement abouti, parfaitement maîtrisé, finement travaillé. Un gros regret pourtant : je n'ai plus rien à lire de vous, madame Giebel , alors je sais bien que Noël est tout juste derrière nous mais j'aimerais pourtant un cadeau ... vous ne pourriez pas écrire le prochain très vite, s'il vous plaît ?


dimanche 23 décembre 2012

Cherche jeunes filles à croquer (Françoise Guérin)















Environs de Chamonix. En quelques années, plusieurs jeunes filles ont disparu. Fugues, enlèvements ... difficile à dire car aucune n'a jamais été retrouvée. Toutes cependant avaient un point commun : des troubles du comportement alimentaire et un séjour dans la même clinique. De quoi commencer à parler de série et à appeler en renfort de Paris le commandant Lanester, profiler, même s'il n'a aucune scène de crime à partir de laquelle démarrer son enquête...

Ce sont les avis des blogs que je suis qui m'ont tentée et donné envie de découvrir sans tarder ces Jeunes filles à croquer, d'autant plus que le sujet de l'anorexie m'intéressait beaucoup. Verdict : ça en valait la peine. Même si effectivement enquête il y a, ce n'est pas un banal "policier" de plus, ni à proprement parler un thriller haletant, c'est plus riche que cela. L'auteure est psychologue et ça se voit. Le découpage des chapitres est rythmé par les séances d'Eric Lanester chez sa psy, au cours desquelles il lui fait part de ses fragilités propres mais aussi des doutes et des peurs que fait naître cette affaire en lui et ça le rend incroyablement proche et réel tout en renforçant le propos. Les mécanismes de l'anorexie mentale sont également abordés sous l'angle psychologique mais à aucun moment tout cela ne parait trop démonstratif ou pesant. Comme les personnages, les lieux aussi prennent vie de façon très forte, impressionnent et pèsent, là pour le coup, fortement sur l'imagination du lecteur. Je voyais quasiment les décors du film que l'on pourrait en tirer...
Héros particulièrement attachant, suspense psychlogique réussi, reflexion intéressante sur les différentes images et représentations du corps... l'originalité et la profondeur de Jeunes filles à croquer en font toute la saveur, à vous d'y goûter !

Les avis, unanimes, de CathuluClara, Kathel ... et d'un autre auteur : Georges Flipo.


mercredi 19 décembre 2012

1Q84 (Livres 1, 2 et 3) de Haruki Murakami



Au Japon, à l'âge de 10 ans, Tengo, le garçon surdoué en maths, et Aomamé, la petite fille solitaire étaient dans la même classe mais sans se côtoyer. Sauf une seule et unique fois... 20 ans plus tard, en 1984, ils ne se sont jamais revus, sans jamais s'oublier pourtant. Peu à peu des évènements étranges vont les faire basculer chacun de leur côté dans un monde parallèle, une sorte d'année 1Q84... est-ce pour mieux les amener à se rencontrer ?

Ouf ... me voilà sortie de cette longue immersion dans l'univers de 1Q84. Longue parce que j'ai lu les 3 tomes à la suite sans pause, longue aussi car c'est le rythme induit par l'écriture particulière de l'auteur. Peu portée spontanément vers la littérature asiatique, je n'avais rien lu de lui avant et même le bruit fait à l'époque autour de Kafka sur le rivage n'avait pas provoqué d'échos chez moi. Il est donc fort probable que, malgré le buzz médiatique créé autour de cette trilogie, je sois passée à côté si un ami ne m'en avait pas parlé, réussissant à m'intriguer, je l'avoue. Et quand il m'a offert en cadeau le 1er tome, je m'y suis plongée avec curiosité mais loin d'être conquise d'avance... Bon, premier point positif : j'ai lu les 2 tomes suivants, c'est donc que j'y ai trouvé des choses qui m'ont plu !

Dans le premier, Murakami prend tout son temps pour planter le décor et les personnages, par petites touches successives plutôt étonnantes et si j'ai certes trouvé cela un peu lent, ça ne m'a pas gênée, comprenant bien que les différents éléments se mettaient en place avant un plus large développement dans les livres suivants. A la fin, il faut bien le dire, j'étais ferrée, déjà attachée à des personnages atypiques, séduite par un style unique, une atmosphère des plus étranges et c'est avec un réel plaisr que j'ai entamé le deuxième ...

C'est dans celui-ci que l'action se développe réellement, ménageant même de vraies plages de suspense, même si en se précisant un peu dans les faits relatés le curieux monde parallèle de 1Q84 reste toujours aussi incompréhensible. J'ai cependant commencé à ressentir de la lassitude à partir du 2ème tiers, du fait de nombreuses redites qui sont pourtant parfaitement volontaires, il me semble, qui participent pleinement au "caractère japonais" de  l'écriture, enfin c'est ce que j'ai ressenti. Du fait aussi que, loin de se révéler, le mystère semble continuer à s'opacifier.

3ème tome enfin, le plus lent de tous, pour moi ... avec moins d'action, plus de psychologie encore, pas inintéressant mais je me suis tout de même surprise à vérifier de plus en plus fréquemment à quel niveau de ma lecture j'en étais arrivée. Et puis, j'attendais inconsciemment je crois un retournement de situation, une révélation fracassante, un éclaircissement évident à toute cette bizarre histoire et ... ce n'est jamais venu !!!

Bilan final : plutôt positif malgré tout et je ne regrette pas cette lecture au long cours ! Je me suis, c'est vrai, laissée fasciner par cette écriture que beaucoup ont qualifié d'hypnotique (encore une fois, je pense que les longueurs, les répétitions, les détails qui semblent inutiles sont partie prenante du style et du propos ... comme un mantra, une scansion poétique, une mesure du temps ou de la force du destin) et j'ai eu l'impression de pénétrer un peu plus avant derrière cette façade impénétrable que représentent pour moi le peuple et la culture japonaises. Volontairement, je ne suis pas rentrée dans les détails du récit, ce billet est déjà inhabituellement long et l'année 1Q84 est bien trop foisonnante, ouvrant sur un univers onique qu'il faut vraiment découvrir par soi-même petit à petit... Sachez seulement que des thèmes nombreux, tels que la filiation, les violences faites aux femmes, les sectes, la réincarnation, la littérature, la perception de la réalité et surtout l'Amour sont abordés mais qu' aucune réponse n'est jamais donnée.

Un roman différent dont il me restera une impression forte, c'est sûr, comme si je sortais moi-même, légèrement nauséeuse, d'un long rêve éveillé dont la sens profond me reste caché...



mardi 18 décembre 2012

Une guirlande ...


... de sapins livres, les derniers avant noël : 








lundi 17 décembre 2012

Que nos vies aient l'air d'un film parfait (Carole Fives)















Années 80. Les parents qui divorcent. Ce n'est pas encore si courant à l'époque. La mère fragile, le père, désemparé, et le frère et la soeur, séparés aussi par la force des choses, chacun de son côté, chacun son parent...

J'attendais énormément de ce roman car le propos me parlait, beaucoup, faisant écho à ma propre expérience, même si pour moi c'était un peu plus tôt, pas tout à fait les années 80 encore et qu'il n'y  a pas eu la douleur d'une séparation supplémentaire avec un frère ou une soeur ... je pensais que ce livre me toucherait en plein coeur, donc mais ... finalement, je n'y ai pas trouvé tout ce que j'en espérais. J'ai certes ressenti une certaine nostalgie amusée pour toute une époque qui refait surface : les sous-pulls en acrylique et leurs cols roulés qui vous arrachaient la moitié du visage, Gainsbourg immolant en direct à la télé son billet de 500, l'avènement de Mitterand, les refrains des chansons qu'on fredonnait ... mais à aucun moment de la narration alternée: la grande soeur, le père, la mère (le fils, lui, reste muet, clôturant uniquement le récit, bien des années plus tard) je n'ai ressenti de réelle émotion alors même que ç'aurait dû être poignant et m'interpeller tout spécialement. La faute à quoi, je ne sais pas ... pas vraiment grand chose à reprocher au style, non, enfin si, peut-être une trop grande distanciation en fin de compte ... et il m'a manqué cette petite étincelle, cette magie inexplicable, cette fusion évidente entre les mots d'un auteur et un lecteur. J'ai aimé, oui mais ce ne sera pas marquant, l'attente était dans mon cas sans doute trop forte...

Cé bémol, ni Clara (coup de coeur pour elle) ni Cathulu (coup de coeur aussi) ni Saxaoul (qui n'a pu rester insensible) ne l'ont évoqué. Antigone a, elle, un avis plus en demi-teinte ...

La chanson de lio (version française de Lonely lovers des Stincky toys) , dont est extrait le titre du roman :





vendredi 14 décembre 2012

Une autre idée ...


... de sapin livres : 




mercredi 12 décembre 2012

Un classique ...


"Un classique est quelque chose que tout le monde voudrait avoir lu et que personne ne veut lire."

Mark Twain 


vendredi 7 décembre 2012

Tout le monde n'a pas le destin de Kate Middleton (Fred Ballard)















Capucine Guillon, 43 ans, rédactrice de questions pour jeux télévisés, mère divorcée vivant avec ses 3 garçons dans un petit appartement de 60 m2, a des fins de mois difficiles. Ni   bombe sexuelle ni wonderwoman, c'est juste une femme ordinaire assez douée pour s'empêtrer dans les situations les plus incongrues, que nous découvrons au fil de 12 mois passés avec elle ...

Si Cathulu n'en avait pas parlé avec tant d'enthousiame, certainement que je n'aurais jamais croisé le chemin de ce livre. Et maintenant que c'est fait ... hum ... quoi en dire ?  Je ne prétends pas lire uniquement des ouvrages à haute portée intellectuelle, bien sûr, mais je suis quasiment sûre de n'avoir jamais lu un seul bouquin de Chick-lit et c'est un peu comme ça que je les imagine : pas prise de tête, légers légers, sitôt lus et sitôt oubliés. A la différence près que, malgré mon inexpérience en la matière, je le qualifierais presque de chick-lit inversée car l'héroïne de ce roman-ci est loin d'être un canon obsédée par le shopping et la recherche du grand amour. C'est même tout le contraire et chacune de nous pourrait se reconnaître à un moment dans cette mère débordée par son boulot, ses ados (et  abdos) mollusques, le quotidien à gérer, les factures à payer. Un reflet de la vie de pas mal de femmes, quoi, mais version dérision bien déjantée ! Et donc ? Et bien quand je l'ai commencé, désireuse de faire une pause avec une lecture facile et différente, j'ai cru que j'allais l'abandonner aussi vite, baîllant déjà d'ennui. Alors, ce n'est pas que ce soit lent (il y a au contraire des tas de rebondissements et de situations cocasses qui s'enchaînent plutôt avec rythme) ni mal écrit (Fred Ballard est une femme de média, elle est aussi rédactrice dans la pub et a visiblement le sens de la formule qui claque couplé à un sens certain de l'humour) mais tout ça m'a paru un brin déjà vu, fabriqué, formaté, distrayant certes mais pas plus palpitant que ça !  Petit à petit, j'ai quand même fini par m'attacher à Capucine et par suivre ses tribulations avec plus de plaisir et jusqu'au bout mais voilà, voilà ... je rédige ce billet tout de suite dans la foulée car si j'attends un peu, j'ai bien peur qu'il ne m'en reste... rien !

Le fameux billet déclencheur de Cathulu, ceux de Clara, Dasola et Keisha, nettement plus indulgentes que moi (Keisha : moi aussi le cochon d'inde rasta m'a fait rire !). Un avis quand même se rapproche beaucoup plus du mien, à lire chez Les livres de George.

P.S : avez-vous remarqué mon timing parfait pour l'édition de ce billet alors que tous les média ne parlent que des nausées de la princesse du titre ? ;-)


mardi 4 décembre 2012

Spécialement pour ...


... les livres addict comme nous, un jolie idée de sapin de noël : 





jeudi 29 novembre 2012

Juste une ombre (Karine Giebel)















Cloé rejoint sa voiture tard le soir, seule dans la rue. Soudain, un homme immense, tout en noir, caché par une capuche se met à la suivre. Elle court,  le sème mais d'un coup, il est à nouveau là, il la fixe, la tétanisant sur place puis s'en va. A partir de là, Cloé va voir cette ombre tout le temps et partout. Puis des choses bougent de place dans son appartement, l'électricité est coupée en pleine nuit, le frigo se remplit tout seul... Terrorisée, Cloé perd les pédales mais son entourage la juge juste parano. Alors, l'ombre existe-t-elle réellement ou devient-t-elle tout simplement folle ?

J'ai découvert il y a peu les thrillers de Karine Giebel et je suis devenue accro comme j'ai pu l'être un temps pour Stephen King ou Serge Brussolo. Cet été, quand je bossais à fond et qu'il me fallait des lectures prenantes, j'ai dévoré quasiment tous ses livres, sans en faire de billets car je n'avais pas le temps (à part pour Les morsures de l'ombre, mon tout premier). Mais le fait est que j'ai trouvé une auteure vraiment brillante dans le genre. Ses romans ont tous en commun d'être noirs, extrêmement noirs et d'être de véritables "page-turners" mais ils ont pourtant des thèmes, des milieux, des décors et des histoires très différents. Ses intrigues, tout en distillant savamment un suspense insoutenable, tiennent vraiment la route, avec des personnages variés et fouillés et pas seulement stéréotypés comme dans bon nombre de thrillers américains (je précise que ses récits se déroulent en France puisqu'elle est française). Et puis toujours, toujours ... des fins ... à la Karine Giebel, quoi ... une véritable signature mais ... chuttt !!! Meurtres pour rédemption m'a beaucoup marquée, celui-là est peut-être un tout petit peu moins original dans son propos mais fonctionne néanmoins parfaitement bien. De toutes façons, je les ai tous aimés et mon seul regret est de n'en avoir plus qu'un à découvrir pour le moment...

Les avis d'Alex-Mot-à-mots et de Sandrine.


lundi 26 novembre 2012

Serena (Ron Rash)















1930, dans les Smoky Mountains de Caroline du Nord. George Pemberton et sa femme Serena sont bien décidés à accroître leur fortune en coupant jusqu'au dernier arbre de leur exploitation forestière malgré une projet de Parc National, en partie sur leurs terres. Exploiter des ouvriers affamés par la grande dépression, corrompre ceux qui se mettent en travers de leur chemin : ils ne reculent devant rien, surtout Serena qui, sans aucun état d'âme, ira encore plus loin... 

J'avais eu très très envie de ce livre à l'époque où il est sorti et où j'ai vu les billets positifs fleurir sur les blogs mais, pour une fois, j'ai été assez sage pour attendre sa récente sortie en poche. Du coup, il n'est pas resté bien longtemps sur ma PAL et a été dévoré rapidement.
Dévoré, oui, car une fois le décor planté et les personnages installés, la tension ne fait que croître vers un dénouement que l'on se prend à imaginer, à essayer de deviner ...
La scène inaugurale déjà, digne d'un bon vieux duel du far west, donne le ton. Les conditions de vie comme les âmes sont dures par ici, pas de pitié pour les faibles, la loi du plus fort est reine. Pemberton en est l'exemple type, ne pensant qu'à s'enrichir coûte que coûte mais, en observant Serena, même lui se demande parfois s'il n'a pas épousé le diable. Aussi insensible que ses ambitions sont démesurées, dure et inflexible au point d'en paraître irréelle, elle provoque peur et fascination et sèmera la désolation aussi bien dans la nature que dans son entourage. Une intrigue noire, très noire mais passionnante dans un contexte social et environnemental particulièrement dur. La crise de 29 a jeté des millions de personnes dans la misère et les ouvriers qui meurent aussi vite que les arbres qu'ils abattent, tant les conditions de travail sont dangereuses, sont chaque jour plus nombreux à guetter un nouvel accident pour obtenir une place. La nature, omniprésente, est belle mais féroce aussi, elle sera pourtant bientôt vaincue et anéantie par l'appétit du gain de quelques uns, malgré les premiers sursauts d'une conscience écologique et la création des parcs nationaux. Heureusement, certains personnages apportent quelques touches d'humanité bienvenues dans ce monde de brutes : un shérif droit dans ses bottes, un contremaître lucide, une jeune fille tendre et son tout jeune fils et le noyau dur des bûcherons survivants qui commentent  l'action depuis l'intérieur mais de manière détachée cependant, avec le fatalisme de ceux qui n'ont plus aucune illusion sur la nature humaine. Car les malversations, les crimes, les catastrophes écologiques annoncées au profit d'objectifs finaciers à court terme sont toujours aussi cruellement d'actualité...

Un récit fort qui a séduit bon nombre de blogueuses : Keisha, bien sûr, car beaucoup d'éléments permettent de le classer dans le Nature Wrtiting mais aussi Kathel, pour qui c'est un coup de coeur, Aifelle qui souligne un style impeccable, Alex Mot-à-Mots qui a apprécié la plume et l'imagination, Mango qui a lu là un très beau roman, Dasola pour qui il est à lire absolument et plein d'autres encore ...



jeudi 22 novembre 2012

L'amour commence en hiver (Simon Von Booy)















Violoncelliste, Bruno conserve en permanence dans l'étui de son instrument, une petite moufle, celle de sa meilleure amie décédée dans un accident quand ils étaient enfants. Hannah, elle, a toujours dans ses poches une poignée de glands, les mêmes que tenaient dans sa main son petit frère Jonathan quand on l'a retrouvé mort.  Bruno et Hannah, deux êtres blessés, ne vivant que dans le passé, le souvenir de l'être cher, jusqu'à ce qu'ils se rencontrent et se reconnaissent ...

Peut-être le contraste entre ce livre-ci et le précédent était-il vraiment trop grand mais le fait est que j'ai le sentiment d'être plutôt passée à côté de L'amour commence en hiver. Je me réjouissais pourtant d'avance de le découvrir, une ou deux critiques lues m'ayant vraiment mis l'eau à la bouche. Peut-être la fragilité des émotions et la délicatesse du style ne m'ont-ils paru un peu mièvres et artificiels que parce que la violence et l'énergie de Tigre,Tigre ! étaient encore bien présents ? Peut-être cette narration un peu particulière, cette écriture se voulant ostensiblement tout en touches poétiques, ces nobles sentiments et cette histoire d'amour à la magie finalement assez improbable n'étaient-ils pas en phase avec mon état d'esprit du moment ? Peut-être ... ce qui est sûr, c'est que je n'ai pas détesté, loin de là, c'était même plutôt globalement agréable à lire, d'autant que c'est très court, mais Hannah et Bruno n'ont pas su vraiment me parler, ne m'ont pas réellement touchée. Dommage !

Cela dit, ne vous laissez pas décourager par mon billet car c'est "LA révélation de cette rentrée littéraire. Un bijou absolu !!!" pour la libraire Brigitte Namour, "Un petit livre qui s'apprivoise doucement et qui s'oublie difficilement" dixit Cachou, "Un moment de lecture fort délicieux" pour Mimi, "Un petit trésor précieux à garder en soi" selon Anne7500. Il n'y a guère qu'un 1livrealautre pour être plus critique ! (Ouf ...)


mardi 20 novembre 2012

Tigre, tigre ! (Margaux Fragoso)















 
Margaux a 7 ans quand elle rencontre Peter. 
Lui en a 51...
Charmeur, il devient rapidement pour la petite fille un ami, un  second père ... puis très vite un amant, un mari pratiquement. Une relation qui va durer 15 ans, sous les yeux d'un entourage qui ne veut rien voir, jusqu'à ce que Peter se suicide. 
Il a alors 66 ans et Margaux 22...

Je vous assure qu'après deux lectures à la suite traitant de pédophilie, là, il faut vraiment que je change d'air et d'univers !!!
Car si Lointain souvenir de la peau traitait le sujet de manière large, sous un angle pour ainsi dire sociologique, Tigre, Tigre ! lui l'aborde de plein fouet. On n'est plus ici dans les généralités mais dans la réalité brute, au coeur de l'intime : une petite fille face à un homme et c'est un sacré coup de poing. Je sais que c'est un récit, celui de la vie de Margaux Fragoso et que tout ce qu'elle raconte dans ce livre, elle l'a vécu et pourtant j'ai constamment eu la drôle d'impression de lire un roman. Et tant mieux, car en ne se contentant pas de livrer son témoignage, en transcendant sa terrible expérience sous une forme littéraire, l'auteure nous en rend la lecture plus facile... enfin, facile, façon de parler, plus abordable, disons ! 
Quelques scènes sont en effet à la limite de l'insoutenable, jamais gratuites cependant. Car le propos essentiel de Tigre, Tigre ! au-delà de la libération qu'il a dû représenter pour Margaux est de donner à voir de façon très claire la façon de procéder des hommes tels que Peter. A priori, il ne ne ressemble pas à un monstre ... il vit avec une femme et ses  deux fils à elle, il est gentil, attentionné, généreux de son temps et séduit tandis qu'il prend petit à petit sa proie et ses proches dans ses filets tel un prédateur, le pervers manipulateur qu'il est en vérité. Son terreau : une situation familiale déséquilibrée, la mère de margaux(elle-même violée dans son adolescence) est maniaco-dépressive, toujours un peu larguée, souvent à l'hôpital ... son père,  bien qu'aimant est frustre et violent, assurant le matériel en travaillant puis oubliant l'état de sa femme en se saoulant dans les bars. Des fragilités idéales pour que Peter s'engouffre dans les failles, se comportant d'abord avec Margaux comme s'il était lui-même un enfant, lui tournant la tête avec tous les animaux qu'il a chez lui, des histoires et des jeux incessants. Ils se verront ainsi de plus en plus souvent, jusqu'à ce qu'il se soit rendu absolument indispensable, qu'il soit devenu la personne la plus importante aux yeux de la petite fille, prête alors à croire tout ce qu'il lui dit, à faire tout ce qu'il lui demande, menée par l'amour qu'elle lui porte. L'amour, oui, et c'est bien ça le pire car il la persuade que c'est une relation d'amour qu'ils vivent, qu'elle est unique, que c'est parce que c'est elle et parce que c'est lui et qu'ils se marieront un jour, quand ils n'auront plus à se cacher. Prise de pitié quand il se pose habilement en victime, liée par un sentiment de loyauté ambigu, de culpabilité trouble, Margaux restera prisonnière de cet amour  jusqu'à ses 22 ans, jusqu'à ce qu'acculé par d'autres accusations (le comble étant, entre autres, qu'il était famille d'accueil pour enfants en difficulté, en contact permanent avec un vivier de victimes potentielles, comme souvent ...) et la pauvreté il se suicide, lui permettant alors d'ouvrir réellement les yeux, d'arrêter de se mentir, de cesser de le couvrir. Point d'orgue étonnant à cette terrible histoire, c'est lui qui lui demande comme dernier volonté de la raconter, comme s'il avait voulu ainsi la libérer définitivement de son emprise, lui donner enfin la possibilité de vivre ...

Extraits :

"Huit ans est le plus bel âge pour une fille, dit Peter quand j'eus ouvert mes cadeaux. Mais ça me rend triste de te voir grandir."

"Je t'aime. Je veux que tu éprouves de la joie et je veux que tu sois capable de me donner de la joie. Il n'y a rien de mal à ça. Je peux te montrer ?"

"Les pédophiles sont maîtres en tromperie parce qu'ils excellent d'abord à se tromper eux-mêmes. ils s'illusionnent jusqu'à croire que ce qu'ils font est inoffensif."

"Le secret: voilà ce qui a permis au monde de Peter de s'épanouir. Le silence et le déni sont exactement les forces sur lesquelles comptent tous les pédophiles pour que leurs vrais mobiles restent cachés."

Aujourd'hui, Margaux Fragoso a une fille et mène une vie équilibrée.
A la fin de son livre elle donne les coordonnées d'un site internet et incite "quiconque en proie à une attirance sexuelle pour les enfants" à s'y connecter pour recevoir rapidement de l'aide.
Touchée par son histoire, Marie Darrieussecq en a assuré la traduction (de l'américain au français).

Un seul autre billet trouvé, celui de Laurence de Biblioblog...



dimanche 18 novembre 2012

Lointain souvenir de la peau (Russel Banks)















Le kid, jeune homme de 21 ans, vit comme un paria sous un viaduc de la ville de Calusa aux Etats Unis, avec d'autres condamnés pour délits sexuels comme lui. Ils portent un bracelet électronique, ont interdiction de se trouver à moins de 800 mètres d'un lieu fréquenté par des enfants, sont comme des intouchables. Quand un jour, un professeur d'université assez spécial le contacte pour mener une étude sociologique sur ces sans-abris bien particuliers, le Kid est d'abord méfiant ...

Mission quasi impossible que d'essayer de résumer en quelques mots tout le foisonnement de ce roman bizarre et fascinant. Fascinant, à coup sûr oui, car j'étais comme hypnotisée et ne pouvais le lâcher malgré certaines longueurs et redites parfois ou un développement de l'histoire que je trouvais de plus en plus obscur. Mais c'est justement tout le propos de Russel Banks, enfin il me semble car je ne sais pas si j'ai tout bien compris, de faire se poser les questions plutôt que de donner les réponses. Lointain souvenir de la peau, malgré son titre  poétique, est une dénonciation violente des dérives de la société américaine et en particulier des comportements sexuels déviants favorisés par l'omniprésence d'internet et la rupture avec toute réalité qu'elle induit. Une charge féroce contre l'aveuglement de cette même société qui, pour ne pas affronter les conséquences de ce qu'elle provoque,  préfère faire comme si cela n'existait pas, relégant des hommes à des conditions si inhumaines qu' elle les fait purement et simplement disparaître, à leurs propres yeux comme à ceux de la communauté,  leur interdisant ainsi toute rédemption. Alors, étant mère, je ne suis absolument pas encline à l'indulgence envers la pédophilie et même ça me terrifie, mais les conditions de vie décrites là ... je serais curieuse de savoir si ça se passe vraiment comme ça !!! Et ce Kid, arrivé là surtout par manque d'amour et d'attention et mêlé à de vrais monstres pour le coup ... il serre vraiment  le coeur !!! Quant au professeur, son histoire personnelle très alambiquée n'est pas ce que j'ai préféré, elle sème le doute  lève un malaise, pose vraiment question mais son influence est absolument cruciale pour le kid, le menant peu peu à peu vers la reconnaissance des autres et de lui-même et la conscience que le bien et le mal ne sont pas deux entités si tranchées mais coexistent en permanence dans tout être humain.

En conclusion, je ne sais pas dire si j'ai vraiment aimé ... enfin, plus j'en parle et plus je crois que oui ... car c'est vraiment à chaud, là, je me suis mise à l'ordi juste après l'avoir fini. En tout cas, ça m'a bousculée, c'est certain et plutôt bon signe !  Pour des avis plus clairs, allez lire ceux de JosteinClara et  Sylire, tous positifs.

Et merci à Cécile pour le prêt !

Extraits: 

"Si tout est mensonge, alors y a rien de vrai. Tu as tout compris, Kid. A peu près. Ca veut dire qu'on ne peut pas connaître la vérité de quoi que ce soit."

"Ce que tu crois a de l'importance, par contre. C'est tout ce qu'on a pour agir. Et puisque tu es ce que tu fais, tes actions te définissent. Si tu crois que rien n'est vrai simplement parce que tu ne peux pas  prouver logiquement que quelque chose est vrai, tu ne feras rien. Tu ne seras rien. Tu finiras par passer ta vie dans un fauteuil à bascule à regarder l'horizon en attendant une réponse qui ne viendra jamais. Autant être mort. C'est un vieux problème philosophique."



vendredi 16 novembre 2012

Comme une bête (Joy Sorman)















Apprenti boucher, un peu par hasard au départ, Pim va se prendre de passion pour son métier et les animaux qu'il travaille .... un amour dévorant auquel il va consacrer toute sa vie. 

Quel drôle de roman ... étonnant, incroyable, inclassable !
Tout à la fois reflexion quasi philosophique sur notre rapport à la nourriture et l'évolution des relations entre hommes et animaux, pamphlet des modes de production et de consommation actuels, description hyper réaliste de la viande et du métier de boucher et récit empreint de poésie, incluant même quelques touches d'onirisme et de fantastique. Sans oublier le héros de l'histoire, si atypique, si étrange, si entier qu'il en devient inoubliable. Un livre qui, vu le sujet, n'avait qu'une chance très minime de m'attirer, oui mais voilà ... je ne l'ai pas acheté pour moi au départ mais pour mon cher et tendre qui a été boucher durant quelques mois, qui aime parler de la viande, la cuisiner, la déguster. Alors après, on est d'accord, je n'allais pas rester là à le regarder, d'autant qu'on avait envie de confronter nos ressentis. Et je dois avouer que je me suis laissée emporter par le flot puissant de cette écriture inspirée car, aucun doute là-dessus, la demoiselle sait écrire, ça oui ! Ses descriptions minitieusement documentées, au plus près de la vérité (mon mari confirme) des abattoirs, de Rungis ou du travail de découpe du boucher artisan ont un peu de la verve, du souffle irrésistible de Zola dans Le ventre de Paris mais en plus moderne. C'est beau, enivrant, pur, esthétique et puis c'est cru aussi, rouge, aveuglant, violent, degoûtant, ça saigne, ça pue ... et c'est d'autant plus surprenant à lire sous la plume d'une jeune femme si gracile physiquement ! Et d'un coup, ça dérape, vers un vertige qui tient du rêve ou du cauchemar, qui vous transporte dans un tout autre univers, ailleurs. 
Quoiqu'il en soit, le tout, étrange et fascinant, est parfaitement cohérent et quand le fond, vraiment intéressant, est servi par une forme irréprochable, ... que demander de plus ?
Mais il est sûr que le propos rebutera sûrement plus d'une lectrice et  je vois mieux les hommes le choisir spontanément !


Joy Sorman

Extraits : 

"Quelques années plus tard, en 1964, la loi ordonne que les animaux soient totalement inertes au moment d'être saignés. Puis on interdira de suspendre la bête avant de l'avoir insensibilisée. Il n'y aura plus de buveurs de sang, de vampires mondains débarqués en groupe au petit matin après une nuit de fete, venus réclamer leur verre d'hémoglobine fraîche, le sang de l'animal tout juste égorgé, avalé cul sec tête en arrrière pour régénérer les corps fourbus, imbibés d'alccol, de sexe et de danse, venus aux aurores jusqu'aux portes de Paris pour boire une multitude de bienfaits et de fer et repartir rassérénés, requinqués, les sens en éveil, la peau électrique, les idées claires."

"Le plus dur est fait, la saignée a eu lieu, l'animal a disparu, évaporé, il y aura bientôt de la viande, la saignée a eu lieu, on est passé de l'autre côté de la bête, bientôt le boucher entrera en scène, sous vos applaudissements, bientôt ce sera ton tour Pim, ta place dans la cité qui turbine, se dépense et se nourrit, les tournedos en vitrine et le pot-au-feu du dimanche."


" Quelques mètres plus bas, les abats sont retirés. Pim se demande si on n'a pas des surprises  parfois en ouvrant une vache. On pourrait rêver de quelque chose d'inédit, d'inattendu, qui jaillisse des entrailles, un objet quelconque ou un rayon de lumière, un truc bizarre qu'elle aurait mangé, un morceau d'arbre fruitier, une horloge, un parfum délicieux, un vieux livre avec des énigmes à déchiffrer, une photo de sa mère, une plume de poule avalée accidentellement - car une plume peut tuer une vache, ce pourquoi, à la ferme, on sépare les vaches du bétail."


"L'éleveur connaît ses 90 vaches par leurs noms et ce soir les raconte une par une à Pim, qui prend des notes. Doptique, la petite moche débrouillarde qui reste dans son coin ; Valérie, la grande gueule hautaine qui file des coups de queue ; Cul de Lune, la bonne élève un peu fayotte toujours la première à rentrer à l'étable ; Perle, une vieille routière qui connaît la chanson, déjà blasée avant même d'être bonne pour la boucherie ; Brunette, qui a un toc : quand on lui change sa paille, elle repasse systématiquement derrière, refait sa petite installation, arrange le foin à sa manière du bout du museau."


"Sur le bandeau supérieur de la devanture peint en lettres d'or on peut lire : Pim Boucherie. 

A l'intérieur, la composition de la vitrine progresse par viandes et par couleurs. Les chairs brillent comme des rivières de diamant. Sur cinq mètres de long, le regard glisse du plus rouge, boeuf vermillon et mouton écarlate, au plus clair, veau rosé ou translucide, volailles, porc blafard. "

"Lady Gaga fait sa bouchère excentrique en direct de Los Angeles pour la cérémonie des MTV Awards ... Il n'y a que les femmes pour faire une chose pareille. Parce que les femmes savent que nous sommes en viande, elles le savent mieux que personne. Les femmes et Pim le boucher, qui a encadré aux côtés de ses vaches une photo de Lady Gaga en chair. Des posters de femmes nues dans les cabines des routiers, une chanteuse couverte de steacks au-dessus de la caisse."


"Il y a les foies aussi, magnifiques et immenses, comme des méduses écarlates. Ils gouttent, entassés sur des grilles, brillants comme du vinyle, lisses et doux, on se voit dedans. Foies de veaux ou de génisses, roses ou grenat, aux côtés de rognons couleur de velours pourpre, jetés en vrac dans des bacs de plastique jaune, seaux de caillettes au pied de fressures suspendues, et c'est comme si les coeurs battaient encore tant ils sont tendus et sans accroc."


" Pim est un homme étanche à la brutalité, sans fiel - la bile des animaux, l'amertume du boeuf - malgré la tragédie de la boucherie."



mercredi 14 novembre 2012

3 petites lignes et ... l'automne !





Perdue dans la brume
Au dernier souffle pendue
Une feuille en sursis


Les haïku d'Elisa Huttin




dimanche 11 novembre 2012

Jayne Mansfield 1967 (Simon Liberati)















Les derniers mois calamiteux de Jayne Mansfield, vieillie, rongée par l'alcool et le LSD, juste avant l'accident de voiture qui lui coûta la vie en 1967 et dans lequel elle eut certes le crâne violemment enfoncé mais ne fut pas, contrairement à la légende, à proprement parler décapitée.

Cette fois-ci, la parenthèse enchantée semble bel et bien refermée car ce roman qui attendait dans ma liseuse depuis 6 mois et dont j'attendais beaucoup est une cruelle déception ... prix Femina (2011) ou pas !!!
Simon Liberati se concentre quasiment uniquement sur les derniers mois de l'actrice avant son fatal accident de voiture devenu célébrissime. Une lente descente aux enfers qui ne pouvait de toute manière que se terminer dramatiquement, d'une façon ou d'une autre. Mais il le fait dans un style si factuel, si distancié, si froid ... comme un sorte de rapport, que ça ne m'a ni touchée ni vraiment passionnée. J'ai trouvé le récit en lui-même assez désordonné d'ailleurs, multipliant les références à des personnages ou des évènements dont je ne connais rien ou qui ne m'évoquent pas grand chose. Ah ... on est loin du merveilleux Blonde (l'un de mes meilleurs souvenirs de lecture) dans lequel Joyce Carol Oates, avec tout le talent qu'on lui connait, donnait vie de façon magistrale à Marylin Monroe ... brossant, dans toutes ses failles et ses fragilités mais ses forces aussi, le tableau d'ensemble à la fois cohérent et très émouvant  d'une personnalité beaucoup plus complexe que ce qu'on en connait généralement.
Depuis un certain temps, traîne sur ma PAL un autre titre de Simon Liberati : Nada exist et j'ai bien peur que, du coup, il ne reste bloqué là pendant très très longtemps !

L'avis de Dasola qui, elle, vous le conseille...


mardi 6 novembre 2012

Les apparences (Gillian Flynn)















Amy et Nick semblent former un couple parfait mais ils perdent tous les deux leur travail et se retrouvent contraints de quitter Manhattan pour aller s'installer dans le Missouri, dans la ville natale de Nick. Changement radical de vie pour Amy : c'est une ambiance "provinciale" à laquelle elle n'est pas habituée et Nick, qui s'occupe de sa mère malade en même temps que du bar qu'il a ouvert est de moins en moins présent. Le jour même de leur 5 ème anniversaire de mariage, Amy disparaît mystérieusement et Nick, au fil de l'enquête, fait de plus en plus figure de coupable idéal...

Bon, après une une première pêche miraculeuse dans le flot infini de la rentrée littéraire, cette fois-ci je dois me rendre à l'évidence, la manne semble se tarir : c'est ma deuxième déception coup sur coup ! Alors, non ... je ne vais pas me joindre au concert de louanges, entendu dans de nombreuses émissions de télévision, qui m'a donné très envie de lire ce livre. Je ne l'ai pas trouvé mauvais, loin de là, mais je ne sais pas ... je m'attendais à autre chose et pour un roman annoncé comme un thriller haletant, je dois avouer que je me suis plutôt pas mal ennuyée à sa lecture ... un comble, non ? Derrière les apparences qu'offrent Nick et Amy au monde extérieur, la réalité que l'on découvre petit à petit est tout autre et nous révèle une fois de plus que le couple est un mystère au sein duquel se cachent des choses  pas toujours jolies jolies et que la nature humaine est bien tordue mais justement, ça m'a semblé, disons ... un peu trop tordu pour être vraiment crédible, peut-être.
Bref, celui-ci ne restera pas dans mes annales personnelles mais ne vous fiez pas à mon avis car AnneCanel et Stephie ont, elles, beaucoup aimé !



lundi 29 octobre 2012

Les bourgeoises (Sylvie Ohayon)















Née dans la cité des 4000 à La Courneuve, Sylvie Ohayon y a vécu une enfance difficile  jusqu'à ce qu'après des études brillantes à La Sorbonne, elle aille enfin habiter Paris et côtoie les gens des beaux quartiers, une élévation sociale poursuivie comme un Graal depuis toujours. 

C'est l'auteure elle-même, parlant de son livre à la télévision, qui m'a irrésistiblement donné envie de le découvrir. Mission accomplie mais bilan mitigé : Sylvie Ohayon a certes la gouaille savoureuse de la banlieue couplée au sens de la formule lapidaire puisqu'elle a été conceptrice-rédactrice dans la publicité (métier que j'ai exercé moi aussi donc certains passages m'ont particulièrement intéressée) mais est-ce que cela suffit pour écrire un roman ? Roman autobiographique d'ailleurs parce qu'elle n'y parle que de sa propre vie sans aucune fiction autour, apparemment. Alors oui, au début ça m'a plu ... le regard de cette fille de banlieue, moitié juive moitié Kabyle, sur certaines bourgeoises qu'elle est amenée à fréquenter, qui l'ont d'abord rejetée parce qu'elle ne détenait pas les bons codes, est incisif et assez joussif mais ça tourne quand même assez vite au jeu de massacre systématique, à la caricature et surtout ... que de longueurs, que de redites !!! Même si Sylvie Ohayon semble plus apaisée vers la fin, que ses jugements se font plus indulgents, y compris vis à vis de ses propres erreurs qu'elle reconnaît d'ailleurs, se moquant volontiers d'elle-même, il me reste une impression globale de texte brouillon et qui tourne un peu trop en rond. Peut-être plus de concision, une qualité qu'elle a appris à manier, forcément, en rédigeant pour la publicité aurait-elle été bienvenue ? Et puis, Paris intra-muros est loin d'être peuplé uniquement de bourgeois, le seul aspect sur lequel insiste son texte ...

Extraits : 

"Je n'avais rien fait de mal et pourtant je culpabilisais-je crois que je viens de donner la défintion du juif, là."

"Faut pas croire que les objets feront l'affaire ; le bonheur, c'est toujours à côté de quelqu'un qu'il se trouve."

L'avis de Stephie ...


samedi 27 octobre 2012

Jusqu'à la folie ( Jesse Kellerman) - Format broché















Jonah est étudiant en médecine. Alors qu'il rentre chez lui tard le soir, épuisé après une longue journée passée à l'hôpital, il vole au secours d'une jeune femme qu'un homme est en train de poignarder dans la rue et tue accidentellement l'agresseur. Les médias le posent en héros, le procureur cherche à en savoir plus, la jeune femme veut absolument lui prouver sa reconnaissance et Jonah, lui, va se trouver pris dans une spirale infernale ... 

Alléchée par un résumé tentant et le fait que j'avais apprécié Les visages, du même auteur, je me suis laissée tenter par ce thriller que finalement ... je n'ai pas du tout aimé ! J'ai même failli l'abandonner mais une fois 140 pages lues, je me suis dit que je pouvais quand même tout aussi bien continuer... Sans plaisir réel cependant : tout ça m'a paru très long, l'intrigue  tarabiscotée et par moments peu crédible, la description du milieu hospitalier un brin caricaturale et  le style pas vraiment agréable à lire. Bref, une déception, dont Sandrine,qui me l'a fait parvenir en livre voyageur  et que je remercie n'est en rien responsable !
Son billet : ici.


dimanche 21 octobre 2012

La vallée des masques (Tarun Tejpal) - Format numérique















Un homme attend dans la nuit qu'on vienne le tuer et déroule l'étrange récit de sa vie. Une vie passée dans une communauté fermée au fond d'une vallée isolée, à poursuivre sans cesse un idéal d'excellence, de pureté jusqu'à devenir un Wafadar, un guerrier d'exception. Ces mêmes Wafadars qui viennent l'éliminer parce qu'un jour, enfin, il a ouvert les yeux et s'est enfui ...

Impressionnée, scotchée, fascinée ... voilà comment je me suis sentie tout au long de ma lecture et toujours, après, avec un peu de recul ! Un livre atypique, tout à la fois conte ensorcelant, fable philosophique et épopée ambitieuse. Cet homme attend une mort qu'il sait inéluctable car on n'échappe jamais totalement au monde d'où il vient ... en entreprenant de nous raconter sa vie entière au plus près, au plus intime, il dessine peu à peu un système implacable, imparable, un univers dans lequel il croit aveuglément puisqu'il est conditionné pour depuis sa naissance. Abandon de l'individualisme et de la propriété, partage absolu de tout, recherche du meilleur de chacun pour le bien de tous, contrôle du corps et de l'esprit par la méditation ... les valeurs de la Confrérie visent à créer une entité unique, libérée des faiblesses habituelles de toute organisation humaine. Une société parfaite en somme, qu'il nous décrit comme telle alors même que ses dérives apparaissent aux yeux du lecteur, de plus en plus monstrueuses, de plus en plus intolérables. Tellement dedans, si bien endoctriné, lui ne voit rien, ne sent plus rien, réduit peu à peu à l'état de robot déshumanisé, prêt à commettre des horreurs en toute bonne foi jusqu'à ce qu'un jour, enfin...  il voit et comprenne. Une fois le doute, la réflexion personnelle sévèrement réprimés et la pensée unique devenue un dogme auquel on ne peut déroger, les idéologies les mieux intentionnées ne peuvent déboucher alors que sur les pires cauchemars.
Servie par un vrai souffle dans le récit, malgré quelques longueurs que je pardonne aisément, cette démonstration habile, impeccable, du mécanisme des sectes en particulier et des totalitarismes et des religions en général m'a vraiment subjuguée. Un livre qui ne ressemble à aucun autre.
Et une couverture à la hauteur du propos ...

Extrait : "Puisse-t-il faire germer en eux le seul état -s'il en existe un- qui dépasse en grandeur la musique ou l'amour. Le doute. Puisse-t-il toujours alterner avec la foi comme la nuit et le jour."

Les avis d' YvYspaddadenClara, impressionnés également ... mais si Mango et Sandrine le qualifient de bon ou beau roman, c'est toutefois avec un léger bémol.


jeudi 18 octobre 2012

Il suffit d'un crayon ...


... pour créer tout un monde. 
Un conte, un roman, une chanson... ou même un univers visuel tout simple mais plein d'inventivité, de charme, de poésie : 


Plus d'images et d'infos  sur le site où j'ai découvert ces drôles de créatures taillées sur mesure ...


mercredi 10 octobre 2012

Certaines n'avaient jamais vu la mer (Julie Otsuka) - Format numérique














1919. Un bateau accoste à San Francisco, rempli de japonaises arrivant tout droit du Pays du Soleil Levant... Mariées par procuration à des hommes japonais déjà installés aux Etats-Unis et qu'elles n'ont vu qu'en photo ! Leurs espoirs sont immenses, leurs déceptions le seront tout autant. 

Quel livre ! Pour plusieurs raisons ... d'abord parce qu'il m'a appris quelque chose, à moi aussi ( cf. billet d'Yv). Jamais entendu parler avant de cette immigration japonaise de masse, main-d'oeuvre docile et bon marché jusqu'à ce que la seconde guerre mondiale éclate et que les mêmes deviennent alors des espions, des traîtres, ceux dont on ne veut plus. Et quel style pour le décrire et le dire ... la présentation de l'éditeur parle de choeur antique et oui, il y a de ça (décidément, on reste dans les comparaisons avec l'antique, juste après Le Sermon sur la chute de Rome) l'auteure ayant choisi, plutôt que de se perdre à raconter chaque destin individuel, un Nous collectif, scandé et répétitif, fait de phrases courtes, enchaînées. Et de cette répétition, de ce rythme, de cette musique (Yv, dans son billet, évoque le boléro de Ravel) naît une grande poésie, une grande richesse et une grande force aussi, une multitude de personnages touchants se dessinant en même temps qu'une fresque globale apparaît très clairement. Cette vie foisonnante on la ressent, on y est, on la touche du doigt et puis, ces voix multiples qui soudain s'éteignent par la volonté des événements et des hommes pour laisser brutalement place au silence créent un sentiment réellement poignant ...
J'ai adoré, vraiment ... 3 ème titre lu de la rentrée littéraire et 3ème essai transformé, un bon cru en ce qui me concerne, pour le moment, indéniablement !
Quel beau titre, déjà ... et quelle jolie couverture aussi, non ?

Extrait :  Nous faisions nos courses à l’épicerieFujioka, où l’on vendait tout ce que nous avions l’habitude de trouver autrefois chez nous : du thé vert, des pains de poisson, de l’encens, des prunes au vinaigre, du tofu frais, des algues séchées pour lutter contre le goitre et le rhume. Nous allions chercher du saké de contrebande pour nos maris, à la piscine qui se trouvait sous le bordel à l’angle de Third Street et Main Street, en prenant soin d’enfiler un tablier blanc afin que l’on ne nous confonde pas avec les prostituées. Nous achetions nos robes chezYada Ladies’ Shop et nos souliers chez Asahi Shoe, où nous trouvions notre pointure. Nous allions chercher notre crème pour le visage chez Tenshodo Drug. Nous nous rendions aux bains publics tous les samedis, où nous cancanions avec nos amies et nos voisines. Était-il exact que Kisayo refusait de laisser entrer son mari chez lui par la porte de devant ? Mikiko s’était-elle vraiment enfuie avec un joueur de cartes du Toyo Club ? Et que Hagino avait-elle donc fait à ses cheveux ? " 

Le billet d'Yv (ciel, un homme ! Ce n'est pas si souvent ! ;-)) qui m'a encore confortée dans ma décison, déjà prise (et ô combien justifiée) de le lire...