mardi 27 mai 2014

La maison où je suis mort autrefois (Keigo Higashino)

















Sakaya Kurashashi, mariée et mère d'une petite fille,  recontacte son ancien petit ami, le narrateur de l'histoire, qu'elle n'a pas plus vu depuis plusieurs années pour lui faire une bien étrange demande : son père vient de mourir en lui laissant une clé et un plan et elle est persuadée qu'il disparaissait régulièrement pour aller à cet endroit. Tourmentée par le fait de n'avoir aucun souvenir d'enfance, elle lui demande de l'y accompagner pour tenter de trouver des réponses à ses questions...

Je reste volontairement évasive dans mon résumé car la 4ème de couverture, par exemple, en dit beaucoup trop et je pense qu'il vaut mieux aborder cet étrange récit en en sachant le moins possible à l'avance et se laisser imprégner petit à petit par sa curieuse atmosphère...
Cette fois-ci, c'est le billet de Sandrine, terriblement tentateur, qui a été le déclencheur de ma lecture, un exploit quand on sait que la littérature asiatique n'est à priori pas ma tasse de thé et que j'en lis assez peu souvent !
La majorité du roman se passe dans une maison complètement abandonnée, dégageant des ondes négatives fortes dans un climat vraiment anxiogène. Mais, intimement persuadée que  les clés expliquant l'absence de ses souvenirs d'enfance et son mal-être actuel se trouvent là, Sakaya veut persévérer dans sa quête. Au fur et à mesure que des faits bizarres, toutes les horloges de la maison sont arrêtées à 11h10 entre autres, et que des incohérences se dévoilent, on en apprend sur  la vie actuelle de l'héroïne mais aussi sur le passé du narrateur, jamais nommé. En recoupant tous les éléments à leur disposition : un journal intime, des objets, des lettres, quelques flashs de mémoire revenue, ils arriveront finalement à résoudre l'énigme et à reconstituer l'enfance disparue de Sakaya...
Comme le disait Sandrine, pas véritablement de suspense ici mais une tension oppressante, lentement distillée et servie par une écriture fluide mais étonnamment distanciée, presque désincarnée... qui n'est pas sans me rappeler celle de la fameuse trilogie 19Q4, une patte, une sensibilité toute japonaise, une manière spécifique d' évoquer avec beaucoup de pudeur, de façon très différente des occidentaux, des sujets graves.
Un roman singulier, dans lequel je me suis totalement immergée, à découvrir...



vendredi 23 mai 2014

Sans faille (Valentin Musso)

















Romuald invite Théo, un ancien copain de lycée qu'il n'a plus revu depuis très longtemps, dans son châlet des Pyrénées pour un week-end randonnée. Sa copine Dorothée ainsi que David, un ancien du lycée aussi, avec son amie Juliette, sont également de la partie. Romuald a l'air de connaître la montagne comme sa poche et au début tout se passe bien mais très vite Théo se sent mal et trouve le comportement de Romuald bizarre. Au fur et à mesure, la balade dégénère, et un contentieux jamais réglé entre les deux anciens amis remonte peu à peu à la surface...

C'est le billet d'Alex mot à mots qui m'a poussée vers ce roman, principalement parce qu'il s'agit d'une rando dans les Pyrénées... et comme la balade allait de pair avec un suspense apparemment efficace, comment résister ?
Alors, tout comme Alex, j'ai apprécié une bonne partie de la promenade en montagne au cours de laquelle des mots tels que gave, isards, cairns, vautours fauves m'ont fait me sentir chez moi bien qu'il s'agisse d'une vallée des Hautes Pyrénées alors que je suis dans les Pyrénées Atlantiques (Alex, pour répondre à ta question, je ne connais pas le coin dont il est question, non !). Comme elle aussi, le doute qui s'installe quant à savoir qui est vraiment l'instigateur de la machination qui se fait jour m'a bien tenue en éveil, me poussant à vouloir absolument connaître le fin mot de l'histoire. Certains mots plus savants intercalés dans un style au demeurant plutôt banal m'ont également un peu interloquée mais sans vraiment me déranger car ils m'ont obligée à en chercher le sens et c'est toujours ça de plus d'engrangé. En revanche, ce dont ne parle pas du tout Alex  et qui m'a pour le coup plus gênée, c'est cette fin dont évidemment je ne dirai rien mais que j'ai trouvée un peu "too much" là oui, dans le genre alambiqué...
Bref, un p'tit tour  à la fois plaisant et angoissant dans les Pyrénées mais rien d'inoubliable non plus !



mercredi 21 mai 2014

La petite communiste qui ne souriait jamais (Lola Lafon)

















Une biographie romancée de la petite fée roumaine dont la perfection absolue détraqua le système de notation par ordinateur aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976, son incroyable 10 la faisant entrer à jamais dans la légende,  mais aussi une réflexion sur bien d'autres sujets liés à l'évolution de Nadia Comaneci...

Que dire qui n'ait déjà été évoqué dans les nombreux billets, tous élogieux, déjà parus sur le sujet ? C'est d'ailleurs un peu grâce à la médiatisation qui a entouré ce livre que j'ai eu envie de le lire car si je me souvenais avoir vu à un moment ou un autre les époustouflantes performances de Nadia Comaneci, le sujet ne me passionnait pas assez pour que j'ai réellement suivi son parcours... tout juste savais-je qu'elle avait "changé" physiquement et qu'elle avait fini par s'enfuir aux Etats-Unis.
Et si j'ai trouvé La petite communiste qui ne souriait jamais en effet passionnant c'est parce que Lola Lafon va bien au-delà de la biographie classique et, de cet argument de départ, multiplie les sujets de réflexion autour de cette période-là, sachant qu'elle a elle-même vécu une partie de son enfance en Roumanie...
Ce qui me frappe, en premier lieu, c'est que le titre parle de petite communiste qui ne souriait jamais alors qu'on se rend compte que, surtout, elle ne pleurait jamais ! Fillette d'une incroyable dureté, mi-force de caractère naturelle, je pense, mi-produit d'un conditionnement surhumain orchestré par un entraîneur tout-puissant, jusqu'à devenir un véritable symbole politique, un enjeu même, pour un pays tout entier. Une quête de perfection éphémère qui excuse tous les excès, déjà, car avec les affaires liées au dopage aujourd'hui, on ne peut que constater que ça s'est encore aggravé !  Et l'on en apprend encore, en tout cas moi,  sur l'effroyable régime de Ceausescu dont la folie est allée, entre autres, jusqu'à promulguer des décrets délirants dans lesquels les femmes étaient tenues de "livrer" au moins 4 enfants à la nation, la contraception et l'avortement étant punis comme des crimes d'état et une visite médicale obligatoire attestant tous les mois du bon respect de cette loi ! Eternelle violence faite au corps des femmes alors même que Nadia torture le sien pour rester exactement le contraire : une éternelle petite fille impubère. Et quand la nature reprendra malgré tout ses droits, ce ne seront pas les journalistes occidentaux les plus tendres, fustigeant en un écoeurant lynchage médiatique ce  corps qu'ils avaient adoré auparavant, coupable seulement d'avoir pris les formes d'une femme, inévitablement. Pour l'exigence sportive uniquement ? Ou bien également un peu par voyeurisme malsain envers ces petites lolitas de l'est ? On est droit de se poser la question... Des journalistes mais aussi des hommes politiques de l'Ouest étonnamment tolérants d'ailleurs, j'étais trop jeune à l'époque pour en avoir conscience, avec le régime de Ceausescu qui sera même décoré de la légion d'honneur par la France. Et des américains qui, loin de juger les méthodes contestables de Béla Karolyi, n'auront de cesse de vouloir le copier, sans états d'âme, pour fabriquer à leur tour de la gymnaste prodige et monter sur les podiums.
Et Nadia dans tout ça ? Sans cesse utilisée, manipulée, accusée d'avoir été elle-même manipulatrice, complice de la dictature puis tombée dans les pièges du capitalisme à son arrivée aux Etats-Unis, toujours scrutée, observée, suivie : par les agents du régime en Roumanie, par les médias en Amérique où finalement elle ne s'est d'abord pas sentie plus libre ! Oui, qu'a pensé vraiment au fil de sa vie, cette Nadia Comaneci mondialement connue mais dont la vraie personnalité reste inconnue ?
Lola Lafon lui garde tout son mystère  et c'est peut-être aussi bien, cela, au moins, lui appartient...

Lisez aussi les avis de Mango lilaClaraCuné, AifelleCathuluAlex mot à motsBrizeDelphine Olympe...


mardi 13 mai 2014

Des charmes de la maison d'hôtes...


Au cours d'une discussion ce matin au petit déjeuner avec mes hôtes, j'en viens à dire que je suis une lectrice passionnée... l'un de mes hôtes, un québécois qui rentre dans son pays demain, descend dans sa chambre puis un peu plus tard remonte avec plusieurs livres pour me les conseiller et finalement m'offre celui-ci qu'il vient de terminer : elle est pas belle des fois la vie ?




lundi 5 mai 2014

La réparation (Colombe Schneck)

















Plusieurs années après la naissance de sa fille Salomé, Colombe Schneck trouve enfin le courage de remonter le temps et de se plonger dans l'histoire tragique de sa famille, juifs lithuaniens déportés durant la seconde guerre mondiale. Pour tenter de comprendre, sa grand-mère, sa mère, ses tantes, faire taire ce sentiment prégant de peur, de culpabilité et écarter de sa propre fille l'ombre que fait toujours planer la petite Salomé Bernstein, morte en 1943 à Auschwitz avec son cousin et sa grand-mère...

Je suis si embêtée pour parler de ce livre, qualifié de "roman vrai" mais qui n'a pour moi absolument rien d'un roman, que j'ai bien failli ne pas écrire de billet.
Car la réparation met mal à l'aise, et ce parce que l'auteure l'est elle-même, qui n'arrête pas de se dédouaner, se justifier, se rabaisser, se jugeant à tout bout de page indigne de parler de l'histoire de sa famille : "Je me disais c’est trop facile, tu portes des sandales dorées, tu te complais dans des histoires d’amour impossibles, tu aimes les bains dans la Méditerranée et tu crois qu’une fille comme toi peut écrire sur la Shoah ?". 
Alors son récit se concentre essentiellement sur les faits, presque comme un documentaire, et s'il touche par les événements terribles qui y sont retracés et les questions qu'il soulève ( est-ce que vraiment "être juif, c'est avoir peur"? Jusqu'à quand les juifs se sentiront-ils coupables, d'avoir survécu pour les générations de la guerre ou même d'exister tout simplement pour nos contemporains ? Est-ce que ne pas parler du malheur le tient mieux à distance ? Est-ce que taire la souffrance est un service à rendre à  ses descendants ou au contraire une malédiction, un poids supplémentaire ? Jusqu'où peut aller la pulsion de vie, le sacrifice d'une mère ? ) la véritable émotion y est le plus souvent absente. A vouloir trop jouer la pudeur et la distanciation, Colombe Schneck se perd, multiplie les redites, les retours en arrière, les maladresses et au final, même s'il serait malvenu de remettre en cause la sincérité de son propos, elle n'emporte pas comme d'autres témoignages ou même romans sur la Shoah ( je pense particulièrement à cet instant au Kinderzimmer de Valentine Goby) ont pu le faire. La compassion ressentie l'est de manière purement intellectuelle, en tout cas pour moi. Les seuls moments du livre qui ont véritablement fait écho chez moi sont ceux où elle parle de la peur panique, irraisonnée, douloureusement constante, qu'elle ressent à l'idée qu'il arrive quelque chose à ses enfants...
Reste que j'ai appris beaucoup de choses que j'ignorais sur la situation des juifs en Lithuanie et le ghetto de Kovno. Reste surtout que je me sens extrêmement mal à mon tour de paraître juger un tel récit et la façon dont l'auteure a choisi de le mener car, extérieure à cette page d'histoire et non juive, qui suis-je pour le faire ?

Cet article de l'Express qui présente deux avis opposés vous aidera peut-être à mieux comprendre mon ressenti...


vendredi 2 mai 2014

Manège (Hieronymus Donnovan)

















Héloïse a 7 ans et a pris l'habitude de se confier à un journal intime particulier : un vieux dictaphone que sa mère lui a donné. Elle lui raconte au jour le jour ce qui se passe dans sa famille, qui ne va pas très bien, les peurs de maman, les colères de papa, les caprices de la grande soeur, les pleurs incessants du petit frère et les visites du monsieur qui veut prendre les meubles, tout ce manège des adultes dont elle n'est pas vraiment dupe...

L'exercice de faire parler, dans un roman, un jeune enfant, est toujours périlleux et semble bien souvent artificiel. Ce n'est pas le cas ici et j'ai tout de suite accroché à l'histoire de la petite Héloïse qui décrit avec ses mots d'enfant, de façon tout à fait crédible, le malaise qui va grandissant au sein de sa famille. Le manque d'argent et la situation d'impasse que vivent les parents sont malheureusement plus qu'ancrés dans la réalité de notre société. Et le sentiment d'impuissance, l'escalade pernicieuse de la violence à l'oeuvre ici peuvent conduire au pire, un pire qui fait malheureusement trop souvent la une des JT.
J'ai beaucoup aimé ce récit très ramassé, à la progression millimétrée, vibrant d'intensité et d'émotion, réellement poignant !

Merci, encore une fois, à Claire Berthier des éditions Storylab (vous savez, je vous en ai déjà parlé : ils sont spécialisés dans les livres numériques de format court, qu'on peut lire en moins d'une heure) pour me l'avoir proposé...