jeudi 29 novembre 2012

Juste une ombre (Karine Giebel)















Cloé rejoint sa voiture tard le soir, seule dans la rue. Soudain, un homme immense, tout en noir, caché par une capuche se met à la suivre. Elle court,  le sème mais d'un coup, il est à nouveau là, il la fixe, la tétanisant sur place puis s'en va. A partir de là, Cloé va voir cette ombre tout le temps et partout. Puis des choses bougent de place dans son appartement, l'électricité est coupée en pleine nuit, le frigo se remplit tout seul... Terrorisée, Cloé perd les pédales mais son entourage la juge juste parano. Alors, l'ombre existe-t-elle réellement ou devient-t-elle tout simplement folle ?

J'ai découvert il y a peu les thrillers de Karine Giebel et je suis devenue accro comme j'ai pu l'être un temps pour Stephen King ou Serge Brussolo. Cet été, quand je bossais à fond et qu'il me fallait des lectures prenantes, j'ai dévoré quasiment tous ses livres, sans en faire de billets car je n'avais pas le temps (à part pour Les morsures de l'ombre, mon tout premier). Mais le fait est que j'ai trouvé une auteure vraiment brillante dans le genre. Ses romans ont tous en commun d'être noirs, extrêmement noirs et d'être de véritables "page-turners" mais ils ont pourtant des thèmes, des milieux, des décors et des histoires très différents. Ses intrigues, tout en distillant savamment un suspense insoutenable, tiennent vraiment la route, avec des personnages variés et fouillés et pas seulement stéréotypés comme dans bon nombre de thrillers américains (je précise que ses récits se déroulent en France puisqu'elle est française). Et puis toujours, toujours ... des fins ... à la Karine Giebel, quoi ... une véritable signature mais ... chuttt !!! Meurtres pour rédemption m'a beaucoup marquée, celui-là est peut-être un tout petit peu moins original dans son propos mais fonctionne néanmoins parfaitement bien. De toutes façons, je les ai tous aimés et mon seul regret est de n'en avoir plus qu'un à découvrir pour le moment...

Les avis d'Alex-Mot-à-mots et de Sandrine.


lundi 26 novembre 2012

Serena (Ron Rash)















1930, dans les Smoky Mountains de Caroline du Nord. George Pemberton et sa femme Serena sont bien décidés à accroître leur fortune en coupant jusqu'au dernier arbre de leur exploitation forestière malgré une projet de Parc National, en partie sur leurs terres. Exploiter des ouvriers affamés par la grande dépression, corrompre ceux qui se mettent en travers de leur chemin : ils ne reculent devant rien, surtout Serena qui, sans aucun état d'âme, ira encore plus loin... 

J'avais eu très très envie de ce livre à l'époque où il est sorti et où j'ai vu les billets positifs fleurir sur les blogs mais, pour une fois, j'ai été assez sage pour attendre sa récente sortie en poche. Du coup, il n'est pas resté bien longtemps sur ma PAL et a été dévoré rapidement.
Dévoré, oui, car une fois le décor planté et les personnages installés, la tension ne fait que croître vers un dénouement que l'on se prend à imaginer, à essayer de deviner ...
La scène inaugurale déjà, digne d'un bon vieux duel du far west, donne le ton. Les conditions de vie comme les âmes sont dures par ici, pas de pitié pour les faibles, la loi du plus fort est reine. Pemberton en est l'exemple type, ne pensant qu'à s'enrichir coûte que coûte mais, en observant Serena, même lui se demande parfois s'il n'a pas épousé le diable. Aussi insensible que ses ambitions sont démesurées, dure et inflexible au point d'en paraître irréelle, elle provoque peur et fascination et sèmera la désolation aussi bien dans la nature que dans son entourage. Une intrigue noire, très noire mais passionnante dans un contexte social et environnemental particulièrement dur. La crise de 29 a jeté des millions de personnes dans la misère et les ouvriers qui meurent aussi vite que les arbres qu'ils abattent, tant les conditions de travail sont dangereuses, sont chaque jour plus nombreux à guetter un nouvel accident pour obtenir une place. La nature, omniprésente, est belle mais féroce aussi, elle sera pourtant bientôt vaincue et anéantie par l'appétit du gain de quelques uns, malgré les premiers sursauts d'une conscience écologique et la création des parcs nationaux. Heureusement, certains personnages apportent quelques touches d'humanité bienvenues dans ce monde de brutes : un shérif droit dans ses bottes, un contremaître lucide, une jeune fille tendre et son tout jeune fils et le noyau dur des bûcherons survivants qui commentent  l'action depuis l'intérieur mais de manière détachée cependant, avec le fatalisme de ceux qui n'ont plus aucune illusion sur la nature humaine. Car les malversations, les crimes, les catastrophes écologiques annoncées au profit d'objectifs finaciers à court terme sont toujours aussi cruellement d'actualité...

Un récit fort qui a séduit bon nombre de blogueuses : Keisha, bien sûr, car beaucoup d'éléments permettent de le classer dans le Nature Wrtiting mais aussi Kathel, pour qui c'est un coup de coeur, Aifelle qui souligne un style impeccable, Alex Mot-à-Mots qui a apprécié la plume et l'imagination, Mango qui a lu là un très beau roman, Dasola pour qui il est à lire absolument et plein d'autres encore ...



jeudi 22 novembre 2012

L'amour commence en hiver (Simon Von Booy)















Violoncelliste, Bruno conserve en permanence dans l'étui de son instrument, une petite moufle, celle de sa meilleure amie décédée dans un accident quand ils étaient enfants. Hannah, elle, a toujours dans ses poches une poignée de glands, les mêmes que tenaient dans sa main son petit frère Jonathan quand on l'a retrouvé mort.  Bruno et Hannah, deux êtres blessés, ne vivant que dans le passé, le souvenir de l'être cher, jusqu'à ce qu'ils se rencontrent et se reconnaissent ...

Peut-être le contraste entre ce livre-ci et le précédent était-il vraiment trop grand mais le fait est que j'ai le sentiment d'être plutôt passée à côté de L'amour commence en hiver. Je me réjouissais pourtant d'avance de le découvrir, une ou deux critiques lues m'ayant vraiment mis l'eau à la bouche. Peut-être la fragilité des émotions et la délicatesse du style ne m'ont-ils paru un peu mièvres et artificiels que parce que la violence et l'énergie de Tigre,Tigre ! étaient encore bien présents ? Peut-être cette narration un peu particulière, cette écriture se voulant ostensiblement tout en touches poétiques, ces nobles sentiments et cette histoire d'amour à la magie finalement assez improbable n'étaient-ils pas en phase avec mon état d'esprit du moment ? Peut-être ... ce qui est sûr, c'est que je n'ai pas détesté, loin de là, c'était même plutôt globalement agréable à lire, d'autant que c'est très court, mais Hannah et Bruno n'ont pas su vraiment me parler, ne m'ont pas réellement touchée. Dommage !

Cela dit, ne vous laissez pas décourager par mon billet car c'est "LA révélation de cette rentrée littéraire. Un bijou absolu !!!" pour la libraire Brigitte Namour, "Un petit livre qui s'apprivoise doucement et qui s'oublie difficilement" dixit Cachou, "Un moment de lecture fort délicieux" pour Mimi, "Un petit trésor précieux à garder en soi" selon Anne7500. Il n'y a guère qu'un 1livrealautre pour être plus critique ! (Ouf ...)


mardi 20 novembre 2012

Tigre, tigre ! (Margaux Fragoso)















 
Margaux a 7 ans quand elle rencontre Peter. 
Lui en a 51...
Charmeur, il devient rapidement pour la petite fille un ami, un  second père ... puis très vite un amant, un mari pratiquement. Une relation qui va durer 15 ans, sous les yeux d'un entourage qui ne veut rien voir, jusqu'à ce que Peter se suicide. 
Il a alors 66 ans et Margaux 22...

Je vous assure qu'après deux lectures à la suite traitant de pédophilie, là, il faut vraiment que je change d'air et d'univers !!!
Car si Lointain souvenir de la peau traitait le sujet de manière large, sous un angle pour ainsi dire sociologique, Tigre, Tigre ! lui l'aborde de plein fouet. On n'est plus ici dans les généralités mais dans la réalité brute, au coeur de l'intime : une petite fille face à un homme et c'est un sacré coup de poing. Je sais que c'est un récit, celui de la vie de Margaux Fragoso et que tout ce qu'elle raconte dans ce livre, elle l'a vécu et pourtant j'ai constamment eu la drôle d'impression de lire un roman. Et tant mieux, car en ne se contentant pas de livrer son témoignage, en transcendant sa terrible expérience sous une forme littéraire, l'auteure nous en rend la lecture plus facile... enfin, facile, façon de parler, plus abordable, disons ! 
Quelques scènes sont en effet à la limite de l'insoutenable, jamais gratuites cependant. Car le propos essentiel de Tigre, Tigre ! au-delà de la libération qu'il a dû représenter pour Margaux est de donner à voir de façon très claire la façon de procéder des hommes tels que Peter. A priori, il ne ne ressemble pas à un monstre ... il vit avec une femme et ses  deux fils à elle, il est gentil, attentionné, généreux de son temps et séduit tandis qu'il prend petit à petit sa proie et ses proches dans ses filets tel un prédateur, le pervers manipulateur qu'il est en vérité. Son terreau : une situation familiale déséquilibrée, la mère de margaux(elle-même violée dans son adolescence) est maniaco-dépressive, toujours un peu larguée, souvent à l'hôpital ... son père,  bien qu'aimant est frustre et violent, assurant le matériel en travaillant puis oubliant l'état de sa femme en se saoulant dans les bars. Des fragilités idéales pour que Peter s'engouffre dans les failles, se comportant d'abord avec Margaux comme s'il était lui-même un enfant, lui tournant la tête avec tous les animaux qu'il a chez lui, des histoires et des jeux incessants. Ils se verront ainsi de plus en plus souvent, jusqu'à ce qu'il se soit rendu absolument indispensable, qu'il soit devenu la personne la plus importante aux yeux de la petite fille, prête alors à croire tout ce qu'il lui dit, à faire tout ce qu'il lui demande, menée par l'amour qu'elle lui porte. L'amour, oui, et c'est bien ça le pire car il la persuade que c'est une relation d'amour qu'ils vivent, qu'elle est unique, que c'est parce que c'est elle et parce que c'est lui et qu'ils se marieront un jour, quand ils n'auront plus à se cacher. Prise de pitié quand il se pose habilement en victime, liée par un sentiment de loyauté ambigu, de culpabilité trouble, Margaux restera prisonnière de cet amour  jusqu'à ses 22 ans, jusqu'à ce qu'acculé par d'autres accusations (le comble étant, entre autres, qu'il était famille d'accueil pour enfants en difficulté, en contact permanent avec un vivier de victimes potentielles, comme souvent ...) et la pauvreté il se suicide, lui permettant alors d'ouvrir réellement les yeux, d'arrêter de se mentir, de cesser de le couvrir. Point d'orgue étonnant à cette terrible histoire, c'est lui qui lui demande comme dernier volonté de la raconter, comme s'il avait voulu ainsi la libérer définitivement de son emprise, lui donner enfin la possibilité de vivre ...

Extraits :

"Huit ans est le plus bel âge pour une fille, dit Peter quand j'eus ouvert mes cadeaux. Mais ça me rend triste de te voir grandir."

"Je t'aime. Je veux que tu éprouves de la joie et je veux que tu sois capable de me donner de la joie. Il n'y a rien de mal à ça. Je peux te montrer ?"

"Les pédophiles sont maîtres en tromperie parce qu'ils excellent d'abord à se tromper eux-mêmes. ils s'illusionnent jusqu'à croire que ce qu'ils font est inoffensif."

"Le secret: voilà ce qui a permis au monde de Peter de s'épanouir. Le silence et le déni sont exactement les forces sur lesquelles comptent tous les pédophiles pour que leurs vrais mobiles restent cachés."

Aujourd'hui, Margaux Fragoso a une fille et mène une vie équilibrée.
A la fin de son livre elle donne les coordonnées d'un site internet et incite "quiconque en proie à une attirance sexuelle pour les enfants" à s'y connecter pour recevoir rapidement de l'aide.
Touchée par son histoire, Marie Darrieussecq en a assuré la traduction (de l'américain au français).

Un seul autre billet trouvé, celui de Laurence de Biblioblog...



dimanche 18 novembre 2012

Lointain souvenir de la peau (Russel Banks)















Le kid, jeune homme de 21 ans, vit comme un paria sous un viaduc de la ville de Calusa aux Etats Unis, avec d'autres condamnés pour délits sexuels comme lui. Ils portent un bracelet électronique, ont interdiction de se trouver à moins de 800 mètres d'un lieu fréquenté par des enfants, sont comme des intouchables. Quand un jour, un professeur d'université assez spécial le contacte pour mener une étude sociologique sur ces sans-abris bien particuliers, le Kid est d'abord méfiant ...

Mission quasi impossible que d'essayer de résumer en quelques mots tout le foisonnement de ce roman bizarre et fascinant. Fascinant, à coup sûr oui, car j'étais comme hypnotisée et ne pouvais le lâcher malgré certaines longueurs et redites parfois ou un développement de l'histoire que je trouvais de plus en plus obscur. Mais c'est justement tout le propos de Russel Banks, enfin il me semble car je ne sais pas si j'ai tout bien compris, de faire se poser les questions plutôt que de donner les réponses. Lointain souvenir de la peau, malgré son titre  poétique, est une dénonciation violente des dérives de la société américaine et en particulier des comportements sexuels déviants favorisés par l'omniprésence d'internet et la rupture avec toute réalité qu'elle induit. Une charge féroce contre l'aveuglement de cette même société qui, pour ne pas affronter les conséquences de ce qu'elle provoque,  préfère faire comme si cela n'existait pas, relégant des hommes à des conditions si inhumaines qu' elle les fait purement et simplement disparaître, à leurs propres yeux comme à ceux de la communauté,  leur interdisant ainsi toute rédemption. Alors, étant mère, je ne suis absolument pas encline à l'indulgence envers la pédophilie et même ça me terrifie, mais les conditions de vie décrites là ... je serais curieuse de savoir si ça se passe vraiment comme ça !!! Et ce Kid, arrivé là surtout par manque d'amour et d'attention et mêlé à de vrais monstres pour le coup ... il serre vraiment  le coeur !!! Quant au professeur, son histoire personnelle très alambiquée n'est pas ce que j'ai préféré, elle sème le doute  lève un malaise, pose vraiment question mais son influence est absolument cruciale pour le kid, le menant peu peu à peu vers la reconnaissance des autres et de lui-même et la conscience que le bien et le mal ne sont pas deux entités si tranchées mais coexistent en permanence dans tout être humain.

En conclusion, je ne sais pas dire si j'ai vraiment aimé ... enfin, plus j'en parle et plus je crois que oui ... car c'est vraiment à chaud, là, je me suis mise à l'ordi juste après l'avoir fini. En tout cas, ça m'a bousculée, c'est certain et plutôt bon signe !  Pour des avis plus clairs, allez lire ceux de JosteinClara et  Sylire, tous positifs.

Et merci à Cécile pour le prêt !

Extraits: 

"Si tout est mensonge, alors y a rien de vrai. Tu as tout compris, Kid. A peu près. Ca veut dire qu'on ne peut pas connaître la vérité de quoi que ce soit."

"Ce que tu crois a de l'importance, par contre. C'est tout ce qu'on a pour agir. Et puisque tu es ce que tu fais, tes actions te définissent. Si tu crois que rien n'est vrai simplement parce que tu ne peux pas  prouver logiquement que quelque chose est vrai, tu ne feras rien. Tu ne seras rien. Tu finiras par passer ta vie dans un fauteuil à bascule à regarder l'horizon en attendant une réponse qui ne viendra jamais. Autant être mort. C'est un vieux problème philosophique."



vendredi 16 novembre 2012

Comme une bête (Joy Sorman)















Apprenti boucher, un peu par hasard au départ, Pim va se prendre de passion pour son métier et les animaux qu'il travaille .... un amour dévorant auquel il va consacrer toute sa vie. 

Quel drôle de roman ... étonnant, incroyable, inclassable !
Tout à la fois reflexion quasi philosophique sur notre rapport à la nourriture et l'évolution des relations entre hommes et animaux, pamphlet des modes de production et de consommation actuels, description hyper réaliste de la viande et du métier de boucher et récit empreint de poésie, incluant même quelques touches d'onirisme et de fantastique. Sans oublier le héros de l'histoire, si atypique, si étrange, si entier qu'il en devient inoubliable. Un livre qui, vu le sujet, n'avait qu'une chance très minime de m'attirer, oui mais voilà ... je ne l'ai pas acheté pour moi au départ mais pour mon cher et tendre qui a été boucher durant quelques mois, qui aime parler de la viande, la cuisiner, la déguster. Alors après, on est d'accord, je n'allais pas rester là à le regarder, d'autant qu'on avait envie de confronter nos ressentis. Et je dois avouer que je me suis laissée emporter par le flot puissant de cette écriture inspirée car, aucun doute là-dessus, la demoiselle sait écrire, ça oui ! Ses descriptions minitieusement documentées, au plus près de la vérité (mon mari confirme) des abattoirs, de Rungis ou du travail de découpe du boucher artisan ont un peu de la verve, du souffle irrésistible de Zola dans Le ventre de Paris mais en plus moderne. C'est beau, enivrant, pur, esthétique et puis c'est cru aussi, rouge, aveuglant, violent, degoûtant, ça saigne, ça pue ... et c'est d'autant plus surprenant à lire sous la plume d'une jeune femme si gracile physiquement ! Et d'un coup, ça dérape, vers un vertige qui tient du rêve ou du cauchemar, qui vous transporte dans un tout autre univers, ailleurs. 
Quoiqu'il en soit, le tout, étrange et fascinant, est parfaitement cohérent et quand le fond, vraiment intéressant, est servi par une forme irréprochable, ... que demander de plus ?
Mais il est sûr que le propos rebutera sûrement plus d'une lectrice et  je vois mieux les hommes le choisir spontanément !


Joy Sorman

Extraits : 

"Quelques années plus tard, en 1964, la loi ordonne que les animaux soient totalement inertes au moment d'être saignés. Puis on interdira de suspendre la bête avant de l'avoir insensibilisée. Il n'y aura plus de buveurs de sang, de vampires mondains débarqués en groupe au petit matin après une nuit de fete, venus réclamer leur verre d'hémoglobine fraîche, le sang de l'animal tout juste égorgé, avalé cul sec tête en arrrière pour régénérer les corps fourbus, imbibés d'alccol, de sexe et de danse, venus aux aurores jusqu'aux portes de Paris pour boire une multitude de bienfaits et de fer et repartir rassérénés, requinqués, les sens en éveil, la peau électrique, les idées claires."

"Le plus dur est fait, la saignée a eu lieu, l'animal a disparu, évaporé, il y aura bientôt de la viande, la saignée a eu lieu, on est passé de l'autre côté de la bête, bientôt le boucher entrera en scène, sous vos applaudissements, bientôt ce sera ton tour Pim, ta place dans la cité qui turbine, se dépense et se nourrit, les tournedos en vitrine et le pot-au-feu du dimanche."


" Quelques mètres plus bas, les abats sont retirés. Pim se demande si on n'a pas des surprises  parfois en ouvrant une vache. On pourrait rêver de quelque chose d'inédit, d'inattendu, qui jaillisse des entrailles, un objet quelconque ou un rayon de lumière, un truc bizarre qu'elle aurait mangé, un morceau d'arbre fruitier, une horloge, un parfum délicieux, un vieux livre avec des énigmes à déchiffrer, une photo de sa mère, une plume de poule avalée accidentellement - car une plume peut tuer une vache, ce pourquoi, à la ferme, on sépare les vaches du bétail."


"L'éleveur connaît ses 90 vaches par leurs noms et ce soir les raconte une par une à Pim, qui prend des notes. Doptique, la petite moche débrouillarde qui reste dans son coin ; Valérie, la grande gueule hautaine qui file des coups de queue ; Cul de Lune, la bonne élève un peu fayotte toujours la première à rentrer à l'étable ; Perle, une vieille routière qui connaît la chanson, déjà blasée avant même d'être bonne pour la boucherie ; Brunette, qui a un toc : quand on lui change sa paille, elle repasse systématiquement derrière, refait sa petite installation, arrange le foin à sa manière du bout du museau."


"Sur le bandeau supérieur de la devanture peint en lettres d'or on peut lire : Pim Boucherie. 

A l'intérieur, la composition de la vitrine progresse par viandes et par couleurs. Les chairs brillent comme des rivières de diamant. Sur cinq mètres de long, le regard glisse du plus rouge, boeuf vermillon et mouton écarlate, au plus clair, veau rosé ou translucide, volailles, porc blafard. "

"Lady Gaga fait sa bouchère excentrique en direct de Los Angeles pour la cérémonie des MTV Awards ... Il n'y a que les femmes pour faire une chose pareille. Parce que les femmes savent que nous sommes en viande, elles le savent mieux que personne. Les femmes et Pim le boucher, qui a encadré aux côtés de ses vaches une photo de Lady Gaga en chair. Des posters de femmes nues dans les cabines des routiers, une chanteuse couverte de steacks au-dessus de la caisse."


"Il y a les foies aussi, magnifiques et immenses, comme des méduses écarlates. Ils gouttent, entassés sur des grilles, brillants comme du vinyle, lisses et doux, on se voit dedans. Foies de veaux ou de génisses, roses ou grenat, aux côtés de rognons couleur de velours pourpre, jetés en vrac dans des bacs de plastique jaune, seaux de caillettes au pied de fressures suspendues, et c'est comme si les coeurs battaient encore tant ils sont tendus et sans accroc."


" Pim est un homme étanche à la brutalité, sans fiel - la bile des animaux, l'amertume du boeuf - malgré la tragédie de la boucherie."



mercredi 14 novembre 2012

3 petites lignes et ... l'automne !





Perdue dans la brume
Au dernier souffle pendue
Une feuille en sursis


Les haïku d'Elisa Huttin




dimanche 11 novembre 2012

Jayne Mansfield 1967 (Simon Liberati)















Les derniers mois calamiteux de Jayne Mansfield, vieillie, rongée par l'alcool et le LSD, juste avant l'accident de voiture qui lui coûta la vie en 1967 et dans lequel elle eut certes le crâne violemment enfoncé mais ne fut pas, contrairement à la légende, à proprement parler décapitée.

Cette fois-ci, la parenthèse enchantée semble bel et bien refermée car ce roman qui attendait dans ma liseuse depuis 6 mois et dont j'attendais beaucoup est une cruelle déception ... prix Femina (2011) ou pas !!!
Simon Liberati se concentre quasiment uniquement sur les derniers mois de l'actrice avant son fatal accident de voiture devenu célébrissime. Une lente descente aux enfers qui ne pouvait de toute manière que se terminer dramatiquement, d'une façon ou d'une autre. Mais il le fait dans un style si factuel, si distancié, si froid ... comme un sorte de rapport, que ça ne m'a ni touchée ni vraiment passionnée. J'ai trouvé le récit en lui-même assez désordonné d'ailleurs, multipliant les références à des personnages ou des évènements dont je ne connais rien ou qui ne m'évoquent pas grand chose. Ah ... on est loin du merveilleux Blonde (l'un de mes meilleurs souvenirs de lecture) dans lequel Joyce Carol Oates, avec tout le talent qu'on lui connait, donnait vie de façon magistrale à Marylin Monroe ... brossant, dans toutes ses failles et ses fragilités mais ses forces aussi, le tableau d'ensemble à la fois cohérent et très émouvant  d'une personnalité beaucoup plus complexe que ce qu'on en connait généralement.
Depuis un certain temps, traîne sur ma PAL un autre titre de Simon Liberati : Nada exist et j'ai bien peur que, du coup, il ne reste bloqué là pendant très très longtemps !

L'avis de Dasola qui, elle, vous le conseille...


mardi 6 novembre 2012

Les apparences (Gillian Flynn)















Amy et Nick semblent former un couple parfait mais ils perdent tous les deux leur travail et se retrouvent contraints de quitter Manhattan pour aller s'installer dans le Missouri, dans la ville natale de Nick. Changement radical de vie pour Amy : c'est une ambiance "provinciale" à laquelle elle n'est pas habituée et Nick, qui s'occupe de sa mère malade en même temps que du bar qu'il a ouvert est de moins en moins présent. Le jour même de leur 5 ème anniversaire de mariage, Amy disparaît mystérieusement et Nick, au fil de l'enquête, fait de plus en plus figure de coupable idéal...

Bon, après une une première pêche miraculeuse dans le flot infini de la rentrée littéraire, cette fois-ci je dois me rendre à l'évidence, la manne semble se tarir : c'est ma deuxième déception coup sur coup ! Alors, non ... je ne vais pas me joindre au concert de louanges, entendu dans de nombreuses émissions de télévision, qui m'a donné très envie de lire ce livre. Je ne l'ai pas trouvé mauvais, loin de là, mais je ne sais pas ... je m'attendais à autre chose et pour un roman annoncé comme un thriller haletant, je dois avouer que je me suis plutôt pas mal ennuyée à sa lecture ... un comble, non ? Derrière les apparences qu'offrent Nick et Amy au monde extérieur, la réalité que l'on découvre petit à petit est tout autre et nous révèle une fois de plus que le couple est un mystère au sein duquel se cachent des choses  pas toujours jolies jolies et que la nature humaine est bien tordue mais justement, ça m'a semblé, disons ... un peu trop tordu pour être vraiment crédible, peut-être.
Bref, celui-ci ne restera pas dans mes annales personnelles mais ne vous fiez pas à mon avis car AnneCanel et Stephie ont, elles, beaucoup aimé !