vendredi 25 octobre 2013

Requiem pour une étoile (Jennifer D.Richard)

















Illidan Lauda rentre chez lui, dans le district de la Fourmilière. Il vient de passer un an à la Fournaise pour gagner plus d'argent afin que ses deux enfants, des jumeaux, reçoivent la meilleure éducation possible à la Fondation. Mais pourquoi ne les reconnait-il pas ? Et pourquoi sa femme Sigrid lui apparaît-elle comme une étrangère et le met-elle si mal à l'aise ???

Une fois de plus, je ne vais pas plus loin dans les développements de cette histoire que j'ai beaucoup aimée ! A vous d'en découvrir le déroulement à travers la vision de trois intervenants successifs : Illidan, Sigrid et... Stella. Trois versions pour un récit habilement mené, distillant insidieusement des indices jusqu'à la révélation finale. Requiem pour une étoile est classé polar sur la couverture et s'il y a bien une énigme, couplée au thème de l'amnésie, récurrent dans ce genre de littérature, ce n'est pas vraiment ce que j'en retiendrai... non, pour moi, c'est principalement une dystopie, genre que j'affectionne particulièrement.
Pas vraiment d'explications claires sur cette société déprimante, anxiogène, que l'on découvre petit à petit et qui pourrait bien être la nôtre, ses pires dérives exacerbées, après un évènement appelé Le grand Effondrement. La nature devenue une denrée rare, canalisée, l'urbanisme tout puissant, la division du territoire en districts ayant chacun leur fonctionnement spécifique, l'insécurité, la violence et l'argent au pouvoir... tout cela m'a rappelé l'univers de Hunger Games et, dans une moindre mesure, un peu La ballade de Lila K aussi.
Une dystopie réussie, une intrigue savamment orchestrée, des personnages troublants et attachants, Requiem pour une étoile avait tout pour me plaire et je suis ravie de l'avoir découvert !



mardi 22 octobre 2013

L'invention de nos vies (Karine Tuil)

















Ils avaient 20 ans et étaient trois inséparables : Samuel, le juif intello qui voulait écrire ; Samir, le musulman ambitieux qui rêvait de devenir avocat et Nina la belle, l'amoureuse. Séduite par Samir, prête à quitter Samuel, elle reste pourtant avec lui après son chantage au suicide. 20 ans plus tard, Nina vivote toujours auprès de Samuel, écrivain raté et aigri, quand ils tombent sur Samir à la télé. Avocat célèbre aux Etats Unis, il est aujourd'hui riche, brillant, puissant mais... il se dit juif et certains détails de sa biographie sont empruntés à la vie de Samuel. Malgré sa peur de la perdre, Samuel persuade Nina de le recontacter...  

Je ne me suis pas ennuyée une seconde à la lecture de ce roman riche et foisonnant.
Il y a une tension permanente qui pousse a tourner les pages pour savoir ce qu'il va advenir des personnages, à la psychologie complexe et réellement fouillée, pour la plupart.
Il y a pourtant, dans le même temps, une réflexion de fond sur différents sujets : questions existentielles de toujours (la filiation, le déterminisme familial et social, l'identité culturelle et religieuse, l'ambition, la liberté, le mensonge) et problématiques plus contemporaines (discrimination à l'embauche, société du paraître, addiction au sexe, manipulations de l'islam extrémisme, esprit de communautarisme...).
Et si le propos peut par moments sembler presque exagéré, il n' y a qu'à regarder les journaux télévisés, se souvenir de l'affaire DSK ou du cas Jean-Claude Romand pour se convaincre que non !
Et pour ne rien gâcher, l'écriture a une vraie personnalité, usant de quelques trouvailles : plusieurs verbes ou adjectifs à la suite, séparés par des slashs, qui impriment un vrai rythme ou petite note de bas de page, donnant soudain du corps au protagoniste le plus insignifiant.
Voilà, comme d'habitude, je ne vous raconte pas l'histoire en détails car quand je lis en billet je ne veux pas qu'on m'en dévoile trop, juste qu'on me donne envie... et j'ai déjà l'impression d'en avoir trop dit.

Un livre bien ancré dans notre époque, qui mérite largement d'être découvert...



mardi 15 octobre 2013

Canada (Richard Ford)


Dell et sa soeur jumelle Berner et ont 15 ans quand, contre toute attente, leurs parents que rien ne prédisposait à ça, braquent une banque dans le Dakota pour rembourser des dettes. Ils sont arrêtés presque immédiatement et emmenés en prison. Pour échapper à leur mise sous tutelle par l'état, Brenner s'enfuit alors que Dell est conduit au Canada par une collègue de sa mère. A l'âge de 63 ans, il revient sur ce fait déterminant qui a bouleversé toute sa vie...

Bon, autant y aller franco : à 20 % de ma lecture (sur liseuse électronique, c'est pourquoi je parle en pourcentage) je me posais déjà la question de continuer ou non, trouvant qu'il y avait beaucoup de redites et que ça tournait un peu en rond. Mais de nombreuses personnes ayant beaucoup aimé, j'ai décidé de persévérer. A 60 %, je n'étais toujours pas convaincue mais je n'aime pas abandonner un livre en cours de route et  il m'arrive très rarement de le faire, il faut vraiment  pour ça que je déteste ou que je n'y comprenne absolument rien et ce n'était pas le cas ici. Bref, je suis laborieusement allée jusqu'au bout et je peux donc dire en toute connaissance de cause que je n'ai pas aimé !
Je ne dis pas que Canada est mauvais, il y a indéniablement un ton, une réflexion et une qualité d'écriture, son succès le prouve d'ailleurs mais son ambiance particulière m'a déplu. Je ne me suis pas attachée aux personnages qui, à l'exception de quelques rares, m'ont tous paru mauvais, bêtes ou méchants, tout comme les lieux décrits sont froids, laids, déprimants, plombants. Au final, j'ai trouvé l'ensemble long, répétitif et passablement alambiqué.
Loin du brillant roman d'apprentissage que je m'attendais à découvrir ma conclusion se résumerait plutôt à "Tout ça pour ça ?" mais ça n'engage que moi...


samedi 5 octobre 2013

Esprit d'hiver (Laura Kasischke)

















En ce matin de noël, rien ne semble aller normalement. Levée trop tard, Holly, doit  se dépêcher de préparer le repas de fête mais elle ressent une angoisse diffuse, comme un pressentiment. Son mari, parti chercher ses parents à l'aéroport est retardé, le blizzard se lève et empêche le reste de la famille ainsi que les amis conviés de sortir de chez eux. Holly et sa fille Tatiana, une ado de 15 ans adoptée 13 ans plus tôt en Russie, sont donc seules à la maison, coupées du monde. Et Tatiana se met a à avoir un comportement inquiétant alors qu'en même temps des faits étranges se produisent...

Depuis la découverte de Rêves de garçon, je suis assez fan de Laura Kasischke et de ce talent particulier qu'elle a pour semer le trouble avec des riens, faire monter la tension dans un contexte qui paraît pourtant on ne peut plus normal. On sent, on sait que quelque chose va mal se passer et on attend de plus en plus fébrilement le dénouement, très souvent terrible !
Le huis-clos d' Esprit d'hiver rappelle un peu, dans son argument, En un monde parfait (une femme et des ados dans une maison, isolées du monde extérieur et dans l'ignorance de ce qui se passe au dehors). Ici, la même mécanique de destruction des apparences est à l'oeuvre et la middle-class américaine bien pensante en prend toujours autant pour son grade, soit, mais je me suis quand même demandé à un moment si elle ne refaisait pas un peu le même livre et où elle voulait en venir, à la fin, avec toutes ces redites et ces lenteurs. Un peu agacée mais néanmoins ferrée par l'écriture et par le thème de la relation mère/fille (je suis moi-même mère d'une ado du même âge,  alors forcément...) je suis parvenue à la fin pour... me prendre une claque magistrale ! Digne de celle que j'avais prise avec Rêves de garçons.
Du grand Kaschiske !!!
Pardonnées d'un coup les répétitions et les longueurs, tout prend sens, à la lumière de la révélation finale...

 "Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux..."



mercredi 2 octobre 2013

Kinderzimmer (Valentine Goby)

















Janvier 1944, Mila et sa cousine Lisette arrivent au camp de Ravensbrück. Elles ne sont pas juives mais déportées pour avoir codé des messages à la résistance. Mila est enceinte et le cache, persuadée que la découverte de son état entraînera une mort immédiate. Une mort promise de toute façon par les conditions de vie du camp mais l'espoir, lui, fou, insensé, refuse de mourir tout à fait...

J'ai déjà lu beaucoup sur le nazisme et les camps et j'ai malgré tout l'impression qu'il y a encore et toujours de nouvelles abominations à découvrir, à savoir...
Les enfants sont ici au coeur de ces révélations car après avoir appris l'existence cet été, par l'intermédiaire d'un roman, d'un Lebensborn sur le territoire français,Valentine Goby m'ouvre les yeux sur une autre  réalité que j'ignorais totalement : l'existence d'une chambre des nourrissons au sein même du camp de femmes de Ravensbrück. L'idée que des enfants soient nés dans un camp, y aient survécu et pour quelques rares en aient réchappé est tout bonnement incroyable et... miraculeuse ! Et c'est ce miracle de la vie, envers et contre tout, que l'auteure nous donne à voir et à sentir dans ce texte poignant, si noir, si lumineux pourtant...
Pour perpétuer l'indispensable devoir de mémoire, Valentine Goby use de son pouvoir de romancière avec intelligence et sensibilité. En obligeant Mila à se raconter dans l'instantanéité de son expérience, dans le temps présent d'avant la connaissance et les mots posés sur l'horreur, elle livre des émotions brutes auxquelles l'ignorance donne toute leur force, terreurs glacées et folles espérances mêlées. Tenir, pour les femmes de Ravensbrück, consiste alors à se persuader que non, le camp ne les a pas définitivement coupées du monde, qu'il en fait tout simplement partie... la preuve : on peut même y donner la vie.
Et oui, non seulement on peut mais on doit encore écrire sur ce sujet... merci à Valentine Goby de l'avoir si bien fait !

La page du livre chez Actes Sud, dans laquelle Valentine Goby fait une présentation limpide de son propos : ici !