mercredi 26 février 2014

Le dernier des justes (André Schwartz-Bart)

















Une antique légende juive raconte que le monde reposerait sur 36 Justes, les Lamed-Waf. La famille Levy produirait un Juste par génération depuis 1185 et c'est l'histoire de cette destinée hors du commun qui nous est ici contée, d'abord au fil des siècles puis, plus précisément à travers la vie d'Ernie Levy, de la montée du nazisme jusqu'aux chambres à gaz d'Auschwitz.

Ce livre dont je n'avais jamais entendu parler, et qui a reçu le prix Goncourt en 1959, année de sa parution, m'a été plus que fortement conseillé, en des termes qui disaient à peu près : il FAUT absolument le lire, c'est le livre le plus beau, le plus fort, le meilleur jamais lu !
De quoi, forcément, aiguiser la curiosité. Le risque étant, d'en attendre tellement, que la lecture se solde par une déception. Et c'est presque ce que j'ai ressenti dans un premier temps... je dis presque et j'entends déjà ma "conseillère" pousser des hauts-cris à ces mots ! Certains passages m'ont en fait plu davantage que d'autres mais je reconnais que ceux-ci participent au souffle d'ensemble qui porte le récit et lui donne sa force.
La première partie tient un peu du conte épique, de la fresque picaresque et m'a rappelé par moments la saga des Mangeclous d'Albert Cohen, dans toute sa démesure, son extravagance, sa cocasserie même. Un style qui, personnellement,va bien à petites doses mais qui peut me lasser assez vite. Puis le sujet se fait se fait plus réaliste, plus précis, avec la menace nazie qui enfle de plus en plus et le personnage d'Ernie que l'on suit désormais. Et là encore, autant certains passages m'ont fait vibrer d'émotion, autant d'autres, décrivant de façon plus symbolique ses états d'âme et ses questionnements m'ont moins touchée. Et c'est la forme encore une fois qui m'a un peu freinée alors même que je comprenais parfaitement ce que l'auteur cherchait à décrire...
Ce que je retiendrai, alors que je rédige ce billet le livre à peine refermé, encore totalement bouleversée par les dernières pages c'est que même si j'ai été plus en retrait par moments, je suis sûre que Le dernier des Justes me marquera durablement. Un texte fort sur la condition juive et bien au-delà sur la condition humaine, d'un abord pas toujours facile, qui se mérite donc, à découvrir par vous-même...

Extrait de la dernière page : 

"Ainsi donc cette histoire ne s'achèvera pas sur quelque tombe à visiter en souvenir. Car la fumée qui sort des crématoires obéit tout comme une autre aux lois physiques les particules s'assemblent et se dispersent au vent, qui les pousse. Le seul pèlerinage serait, estimable lecteur, de regarder parfois un ciel d'orage avec mélancolie."



jeudi 13 février 2014

L'affaire Clémence Lange (Laura Sadowski)

















Quand Maître Nicolas Kléber, le 31 décembre, remplace au pied levé sa collègue pour visiter l'une de ses clientes qui doit passer en conseil de discipline à Fleury-Mérogis, il pense que c'est l'affaire de quelques heures et est bien loin d'imaginer l'enfer qui l'attend ! L'avocat avait déjà défendu Clémence Lange lors de son procès en appel et sa plaidoirie lui avait valu une peine encore plus lourde que celle jugée en 1ère instance. Celle-ci, bien décidée à régler ses comptes, parvient à le séquestrer dans une cellule de l'immense prison alors en travaux de rénovation...

Cette auteure, par ailleurs avocate, que je ne connaissais pas du tout m'a été conseillée via un groupe de lecteurs dont je fais partie sur Facebook.
Anne, du blog Mon petit chapitre, avec qui je suis très souvent en phase en ayant rajouté une couche, je ne pouvais que craquer sur ce thriller judiciaire. Et j'ai passé un agréable moment en le lisant.
Si le suspense est très présent lors de de l'enfermement de l'avocat dans cette cellule isolée, loin de tout (il s'agit d'un prototype de nouvelle cellule dans une aile complètement en travaux) puis pendant sa séquestration, le propos du livre ne se cantonne pas uniquement à ce huis-clos angoissant entre la détenue modèle devenue geôlière et l'avocat arrogant tombé de son piédestal. La part belle y est faite également à la psychologie de ces deux personnages et à leur évolution. Clémence, jeune et timide lors des faits et du procès, a toujours nié avoir tué son amant et a réagi comme une bête traquée, absente à elle-même, incapable de se défendre vraiment. La prison l'a aujourd'hui endurcie. Patiemment, elle a tout calculé pour mettre enfin Nicolas Kléber face à ses responsabilités et se montre très déterminée. Son prisonnier quant à lui, jeune homme gâté par la vie à qui tout réussit et avant tout avocat d'affaires, avait pris un eu trop à la légère la défense de cette cliente effacée qu'il avait, comme tout le monde, jugée coupable à l'époque. Complètement déstabilisé par la situation, contraint de réétudier le volumineux dossier du procès,  il va  y découvrir de quoi remettre en question non seulement son travail d'avocat mais lui-même ! On revit alors avec lui tout le procès, tel qu'il a été consigné par le greffe, point par point, et une partie purement judiciaire prend le relais, plus froide mais nous plongeant directement au coeur de l'implacable machine judiciaire avant le dénouement dont je ne dirai évidemment rien...
Pas mal de qualités donc pour ce premier roman qui, il faut le savoir, s'est inspiré de faits réels et je suis donc toute prête à retenter Laura Sadowski avec l'un de ses suivants.


mercredi 12 février 2014

1 blog 1 séance avec les Toiles enchantées

PriceMinister – Rakuten s’associe aux Toiles Enchantées pour offrir grâce aux blogueurs des séances de cinéma aux enfants et adolescents hospitalisés ou handicapés.

Du 03/02 au 28/02  un article publié sur votre blog ou site se transforme en un don de 15€ de PriceMinister – Rakuten aux Toiles Enchantées pour les soutenir dans leur merveilleuse démarche d’offrir gratuitement aux enfants et adolescents hospitalisés ou handicapés les films à l’affiche sur grand écran, comme au cinéma !

Comment participer et soutenir Les Toiles Enchantées ?

C’est très simple ! Il suffit de :
  • Répondre à l’interview « cinéma et enfance » (voir plus bas) sur votre blog en mentionnant que vous participez à #1Blog1Séance.
  • Faire un appel aux dons à vos lecteurs.
  • Envoyer un e-mail à oliver.moss[at]priceminister.com avec l’url de votre article.
Votre article se transformera automatiquement en un don de 15€ pour les Toiles Enchantées ! Soit une séance de cinéma pour trois enfants hospitalisés.
  • Vous pouvez aussi  inviter d’autres blogueurs à participer sur Twitter en utilisant le tweet suivant :
Je viens de participer à #1Blog1Seance @[xxxxx] participe aussi et @PriceMinister donnera 15€ à @LesToilesEnch http://bit.ly/1d7Og1o

Interview cinéma & enfance

Copiez/collez le texte et l’interview ci-dessous sur votre blog et répondez aux questions. Il n’y a pas de consigne sur le nombre de caractères.
[En publiant cette mini-interview sur mon blog, PriceMinister - Rakuten s’engage à faire un don de 15€ aux Toiles Enchantées qui offre gratuitement aux enfants et adolescents hospitalisés ou handicapés les films à l'affiche sur grand écran, comme au cinéma !
  • Quel est votre premier souvenir du cinéma ?
Pas un  seul en particulier (je ne me rappelle plus le tout 1er) mais tous les grands Walt Disney de l'époque : les 101 dalmatiens, les Aristochats... que ma mère m'emmenait voir au Grand Rex à Paris
  • Quel est selon vous le meilleur film pour enfants de tous les temps ?
Je ne sais pas, peut-être Mary Poppins ?
  • Une machine à voyager dans les films vient d’être inventée. Vous avez la possibilité de vivre les aventures d’un de vos héros cinématographiques d’enfance, dites nous qui ? (ex : Elliott dans E.T…)
Heïdi, petite fille des montagnes...
  • Dites nous en une phrase pourquoi vous aimez les Toiles Enchantées !
Avec les livres, le cinéma est certainement le meilleur vecteur d'évasion pour les enfants hospitalisés...
Vous aussi participez à la chaîne de solidarité en participants à #1Blog1Séancehttp://bit.ly/1d7Og1o ou en faisant directement un don si vous n’avez pas de blog.

Les Toiles Enchantées en quelques mots

Depuis 17 ans, l’association Les Toiles Enchantées sillonne les routes de France pour offrir gracieusement aux enfants et adolescents hospitalisés ou handicapés des séances de cinéma dans leur établissement, en projetant les films dont tout le monde parle, au moment même leur sortie en salle, voire parfois en avant-première, en présence des comédiens ou des réalisateurs !
Grâce à cette immersion dans des films de tout genre soigneusement sélectionnés, Les Toiles Enchantées permettent aux jeunes malades ou handicapés de briser leur quotidien, de s’évader, d’accéder à la culture et au divertissement des jeunes de leur âge, et de « se sentir comme tous le monde ».
Les séances de cinéma aident aussi à lutter contre l’isolement et le découragement en créant des rencontres et des connivences entre les enfants au travers des projections.
Le “vrai” cinéma à l’hôpital, c’est un pied-de-nez à la maladie, une fenêtre ouverte sur la vie, en numérique

Les Parrains de #1Blog1Séance

Un grand merci à In the mood for cinéma et No Pop Corn qui parrainent  #1Blog1Séance en nous aidant à promouvoir la campagne et Les Toiles Enchantées sur leur blog.
Et pour finir voici une petite phrase du président des Toiles Enchantée, Alain Chabat qui résume bien la philosophie des Toiles.
A tout de suite sur votre blog !

lundi 10 février 2014

En finir avec Eddy Bellegueule (Edouard Louis)

















Fin des années 90 en Picardie. Dans la famille d'Eddy, on vit à 7 avec 750 euros par mois. C'est la misère matérielle mais aussi intellectuelle. Une culture foot, Ricard, télé ; l'usine comme seule perspective d'avenir et un mode de pensée quasi unique : racisme, machisme et homophobie. Hors, Eddy a un physique délicat, des manières efféminées et, en plus, il aime les études...

Est-ce que vous vous souvenez du film de Chatiliez, La vie est un long fleuve tranquille ? Oui ? Alors, bienvenue dans la famille Groseille ! L'humour en moins et le désespoir en plus...
Sous couvert de roman, le livre a tout de l'autobiographie mais pas de misérabilisme larmoyant ici car l'auteur, aujourd'hui étudiant en sociologie à Normale Sup, transcende le récit de son enfance par sa patte d'écrivain. Pas de jolies phrases travaillées ou d'effets de style pourtant. Une écriture directe, tantôt crue, tantôt distanciée, alternant le langage brutalement vulgaire qui a cours dans son milieu et l'analyse à posteriori faite par le jeune homme qu'il est finalement devenu, en s'enfuyant pour son salut ! Car l'histoire d'Eddy Bellegueule tient tant de Zola par moments qu'on se demande même si on se situe dans la bonne époque. C'est celle d'un enfant né au mauvais endroit, au mauvais moment, trop différent. Celle d'une enfance fracassée par le rejet... des siens, des jeunes de son âge, de tout le village. Crachats et insultes sont son quotidien au collège, incompréhension et mépris règnent à la maison. Et la honte dévore tout, honte de lui-même, de cette homosexualité contre laquelle il essaie à toutes forces de lutter tant ça semble la pire tare possible là où il vit, honte de la pauvreté, honte de l'alcoolisme, honte de la vulgarité et des idées frustres de sa famille, honte du fatalisme, honte d'avoir envie d'étudier, de penser, de s'évader, honte de la honte même...
Il parviendra finalement à se réaliser grâce à sa volonté, vécue comme un véritable instinct de survie, par le biais d'une option théâtre qui l'éloignera du chemin tout tracé.
Un récit coup de poing qui, à priori, constate plus qu'il ne juge, laissant même la place à quelques rares plages de tendresse à peine esquissées, mais reste néanmoins une charge violente contre ses origines sociales et familiales. En cherchant à en savoir un peu plus, je suis tombée sur un article (ici) qui m'a mise un peu mal à l'aise... alors, où est la vérité, est-il question de la douleur légitime d'une famille qui prend le portrait de plein fouet, d'une version caricaturée à dessein par Edouard Louis, comme le suggère un ancien ami, ou de la marge de liberté et de créativité inhérente au travail de l'écrivain ? Ce qui transparaît en tout cas indéniablement d'En finir avecEddy Bellegueule, c'est la souffrance, comme s'il était écrit avec des larmes et du sang...

Extraits : 

"La plupart du temps ils me disaient gonzesse et gonzesse était de loin l’insulte la plus violente pour eux. (…) Dans ce monde où les valeurs masculines étaient érigées comme les plus importantes, même ma mère disait d’elle “j’ai des couilles moi, je me laisse pas faire.”

"Comment il parle l'autre, pour qui il se prend. Ca y est il va à la grande école, il se la joue au monsieur, il nous sort sa philosophie."

L'avis d'Aifelle et celui de Cathulu...



vendredi 7 février 2014

Une fille, qui danse (Julian Barnes)

















L'histoire commence avec trois garçons, étudiants dans les années 60 en Angleterre. Ils aiment débattre de questions philosophiques et croient déjà tout comprendre de la vie. L'un d'eux, Tony, sort avec une fille, Véronica. Arrive un quatrième garçon, plus intelligent, plus adulte, plus réservé...
Nous retrouvons Tony à la soixantaine, divorcé, il mène une petite vie sans surprises et ne voit plus aucun de ses amis de jeunesse. Un héritage inattendu et pour le moins étrange va le faire replonger dans le passé.

Au vu de la 4ème de couverture (ce n'est pas mon résumé, sauf exception rarissime, je le rédige toujours moi-même) que certains trouvent d'ailleurs beaucoup trop bavarde, je m'attendais à, sinon du suspense, du moins à un rythme un peu plus soutenu...
Hors, c'est presque une longue réflexion, qui prend tout son temps même si on s'attend bien à une révélation au dénouement, et pourtant je n'ai pas du tout été déçue. Je me suis laissée bercer avec plaisir par ce texte assez particulier, sous-tendant des évènements et des sentiments sans les exprimer abruptement, se penchant avec lenteur et mélancolie sur le temps qui passe, les illusions perdues, les amours et amitiés déçus, les compromissions, les lâchetés, la façon dont on se ment à soi-même et le bilan que chacun peut faire de sa vie. Des thèmes universels qui touchent, forcément... Comme fil conducteur du récit : la mémoire, ses caprices et ses étrangetés, sa fiabilité surtout. La façon dont les souvenirs, à la fin, s'estompent ou au contraire ressurgissent comme une révélation, certains occultés un temps par un cerveau complice parce que dérangeants, d'autres mal interprétés trouvant un nouveau sens, éclairés par le recul, les autres ou la connaissance de faits nouveaux.
Quant à la révélation finale, j'ai ressenti exactement la même chose que Soie qui, dans son billet paru hier, n'est "pas convaincue par le rapport de cause à effet suggéré par la chute" bien que j'ai trouvé moi aussi cette chute elle-même intéressante car vraiment inattendue.

Les billets de Alex mot à mots, de Saxaoul et Clara.

Et les toutes premières phrases du livre :

"Je me souviens, sans ordre particulier :
– d’une face interne de poignet luisante ;
– d’un nuage de vapeur montant d’un évier humide où l’on a jeté en riant une poêle brûlante ;
– de gouttes de sperme tournoyant dans l’eau autour d’un trou de lavabo, avant d’être entraînées tout le long de la canalisation d’une haute maison ;
– d’un fleuve semblant soudain se ruer absurdement vers l’amont, sa vague et ses remous éclairés par une demi-douzaine de faisceaux de torches lancés à sa poursuite ;
– d’un autre fleuve, large et gris, le sens de son courant occulté par une forte brise agitant la surface ;
– d’une eau depuis longtemps refroidie dans une baignoire derrière une porte verrouillée.

Ce dernier souvenir n’est pas quelque chose que j’ai réellement vu, mais ce qui reste finalement en mémoire n’est pas toujours ce dont on a été témoin."


dimanche 2 février 2014

L'espoir, cette tragédie (Shalom Auslander)

















Solomon Kugel vient de s'installer dans une vieille ferme dans la petite ville de Stockton, état de New-York, avec sa femme et son jeune fils. Mais la petite vie tranquille à laquelle il aspirait va vite être perturbée. D'abord une odeur épouvantable, d'origine indéterminée, persiste dans la maison puis la mère de Kugel, soit disant à l'article de la mort,  vient s'installer chez lui, c'est ensuite un pyromane qui sème la terreur dans les environs et enfin, et surtout, il découvre une étrange créature cachée au grenier, une très vieille femme complètement décrépite qui prétend être... Anne Franck, rien que ça !

Ca démarrait bien, très bien même, sur un ton ironique, iconoclaste et provocateur, le fameux humour juif new-yorkais, je présume, fait de lucidité ravageuse et d'auto-dérision. Et puis cette trouvaille saugrenue, complètement farfelue même, promettait beaucoup : Anne Franck ne serait pas morte dans les camps comme on l'a cru mais aurait survécu, passant de grenier en grenier tout au long de sa vie. Les thèmes abordés, sérieux, sous couvert d'humour décapant, sont intéressants : le devoir de mémoire, ce que j'appellerais dans un néologisme un peu maladroit " la juivitude" (la culpabilité terrible de la mère qui, ayant eu une vie hyper protégée à Brooklyn, exempte de tout malheur, s'invente de toutes pièces un passé de martyre de l'holocauste est une bonne idée) la condition de parent, celle d'enfant, de croyant et, sous-tendant, le tout : l 'absurdité absolue de la condition humaine.
Hélas, le ton qui m'a paru amusant sur quelques chapitres, m'a très vite lassée puis franchement agacée. Ca tourne en rond, l'auteur n'arrête pas de se répéter, usant inlassablement des mêmes ficelles, poussant le propos et les péripéties jusqu'au ridicule. Un roman très décevant donc au final alors qu'élagué, retaillé, ramené à son essentiel, ça aurait pu faire une excellente nouvelle sûrement. Et c'est moi qui dis ça alors que ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas fan de ce format mais là, ça me semble l'évidence tant tout s'y prêterait...

Le billet de Clara qui en a pensé à peu près la même chose que moi.