dimanche 26 janvier 2014

Régime mortel (Eric Nataf)

















Hugo Man est médecin nutritionniste à l'Hôtel-Dieu. L'un des patients hospitalisés dans son service décède brutalement, sans explication valable. C'est le début d'une épidémie qui touche principalement les obèses porteurs d'anneaux gastriques dans le but de perdre beaucoup de poids rapidement. Après enquête, il découvre une étrange maladie, dite de la graisse brune, et en cherchant à savoir quelle en est la cause (anneaux gastriques défectueux ? produits allégés toxiques ? ) il met le doigt dans une engrenage extrêmement dangereux...

Le résumé était plutôt alléchant (pour rester dans un registre lexical approprié). L'auteur étant lui-même médecin, radiologue et échographiste, on pouvait s'attendre à un thriller bien documenté sur la question et ancré dans une problématique très actuelle (il n'y a qu'à se rappeler certains des derniers scandales alimentaires) empruntant enfin des sentiers un peu moins battus que ceux fréquentés par les sempiternels flics alcoolos enquêtant sur des killers en série formatés.
Et effectivement, ça démarre bien et fort... pour se gâter finalement par la suite. Soit l'auteur a pêché par un souci de pédagogie, voulant être sûr que, profanes que nous sommes, nous comprenions bien ses explications scientifiques, soit il s'était fixé par avance un nombre de pages à remplir... quoi qu'il en soit les répétitions et redites fréquentes ont fini par devenir franchement lassantes. Et si le propos était tout d'abord assez nouveau sur le fond et la forme, il a fini par sombrer à son tour, pour le coup, dans les travers propres à nombre de thrillers américains, films ou livres : une fin à tiroirs qui n'en finit pas ! Un peu trop alambiquée pour être tout à fait crédible. La réalité dépassant souvent la fiction de nos jours sur ces sujets là, il me semble qu'il n'y avait nul besoin d' aller y rajouter des mobiles supplémentaires.
En résumé, pour moi, un thriller qui a le mérite de l'originalité mais qui ne tient pas totalement toutes ses promesses. A vous de voir...


dimanche 19 janvier 2014

Petites scènes capitales (Sylvie Germain)

















En quelques scènes, dont certaines pourraient sembler insignifiantes de prime abord, mais qui sont pourtant essentielles dans sa construction et son évolution, c'est toute la vie de Lily/Barbara, qui se dévoile là, de la petite enfance jusqu'à l'âge mûr...

Alors là, j'ai été littéralement subjuguée !
Non pas tant par la vie de Lily/Barbara (un double prénom qui trouvera son explication au fil du récit) en elle-même, encore qu'elle touche à l'essence de la condition humaine et tend à l'universel à travers tout un tas de questionnements, de ressentis, de sensations, fugaces ou prégnantes... qui parlent certainement d'une façon ou d'une autre à chaque lecteur.
Mais si j'ai trouvé le fond intéressant, c'est la forme surtout qui m'a réellement captivée. Je n'avais plus lu Sylvie Germain depuis un bon moment et je ne me souvenais plus de cette écriture. Mon dieu, quelle écriture ! Quelle merveille !!! Ca m'arrive assez peu souvent, en cours de lecture, de m'arrêter ainsi pour goûter une phrase, savourer un passage, écouter la musique et le rythme, approfondir le sens d'un mot et me dire que oui, là, je suis en train de lire de la littérature avec un grand L. Un style travaillé mais pas ampoulé, des mots relativement rares mais parfaitement choisis, sans étalage d'érudition, une plume fluide, sensible, poétique,  sans ostentation aucune, pourtant. Merci vraiment Madame Sylvie Germain pour ce pur plaisir de lectrice, ce moment suspendu, hors du temps, vraiment à part...

Un court extrait, parmi tant d'autres que j'aurais pu choisir : "...et ses prénoms dissonent en crescendo, Barbara tout en R et en A où bombinent des abeilles éclatantes, Lili tout en fluidité de L et de I où trémulent des éphémères diaphanes."

Les avis d' AifelleClaraCathulu et Brize...


mercredi 15 janvier 2014

Non-stop (Frédéric Mars)



9 septembre 2012, à Manhattan. L'inauguration officielle de la tour Liberty, à Ground Zéro, est prévue pour le surlendemain, 11 ans jour pour jour après l'effondrement des tours jumelles. Mais des explosions de marcheurs isolés, qui semblent être des kamikazes, se multiplient à un rythme effréné. Il apparaît pourtant bientôt que ces marcheurs sont en fait d'innocents citoyens new-yorkais, piégés à leur insu, et qui explosent dès qu'ils s'arrêtent de bouger. New-York serait-elle encore la cible d'une terrible vague d'attentats, d'un genre tout à fait nouveau ? 

Non-stop a beaucoup de qualités : un rythme haletant, découpé heure par heure, voire certaines fois minute par minute, genre 24 heures chrono ; un sujet toujours aussi sensible et d'une actualité constamment brûlante désormais, visiblement bien documenté (on y apprend entre autres comment tout le renseignement américain s'est restructuré et fonctionne depuis le septembre 2001) ; un président noir, premier dans son genre, confronté à une crise majeure (toute ressemblance avec un personnage existant n'est absolument pas fortuite) et une visite de la ville de New-York comme si on y était !
Il a quelques défauts aussi : les méchants sont vraiment méchants, les gentils héros sont pratiquement des super-héros et, in-extremis, comme dans tout bon block-buster made in USA, l'Amérique désamorce bien sûr la catastrophe, consciente toutefois de sa relative fragilité désormais depuis la date fatale. 
Plus de positif que de négatif donc et malgré une petite lassitude sur la fin (c'est quand même assez long) une lecture agréable, bien ancrée dans notre époque.


dimanche 12 janvier 2014

La dernière fugitive (Tracy Chevalier)

















Années 1850. Honor Bright, une jeune quaker anglaise abandonnée par son fiancé, décide de fuir l'humiliation en suivant sa soeur Grace en Ohio, où celle-ci part épouser un ancien voisin. La traversée en bateau est déjà un calvaire pour Honor et, à peine posé le pied sur le sol américain, sa soeur meurt de la fièvre jaune, la laissant totalement seule, fragile et désemparée.Elle  n'a alors d'autre choix que de rejoindre le promis de Grace, en espérant qu'il l'accueille et l'aide à se faire une place dans ce nouveau monde...

Comme j'ai aimé ce livre, comme d'ailleurs tous ceux que j'ai lus de Tracy Chevalier...
Une fois encore, grâce à l'auteure, je me suis retrouvée parachutée dans une époque, un contexte précis, découverts par les yeux et l'esprit du personnage principal et c'est quasiment comme j'y avais été moi-même. Tracy Chevalier a pour moi ce don rare, si particulier, de donner vraiment à voir et à comprendre un moment clé, simplement, dans une narration fluide et limpide, un style classique dépourvu de fioritures ou d'effets de style inutiles. J'ai beaucoup appris sur les quakers et le "chemin de fer" clandestin qui organisait l'aide aux esclaves noirs en fuite vers le Canada mais aussi sur l'art du quilt ou du patchwork, sans ennui qui plus est, et ça ce n'était pas gagné d'avance vu mon peu d'intérêt au départ pour le sujet !
A travers le parcours initiatique d'une jeune fille quaker, qui va devoir remettre en question certaines de ses convictions, sans pour autant se renier elle-même, et trouver sa propre identité dans un univers totalement inconnu, c'est un pan de l'histoire américaine qui se dévoile et j'ai trouvé ces deux facettes du récit tout aussi passionnantes l'une que l'autre.
Un pur bonheur de lecture donc, un livre dans lequel j'étais heureuse de me replonger chaque jour...

Dominique est beaucoup plus tiède que moi mais Lilly in the vallée vous conseille de ne pas le rater, Jostein  y a trouvé, elle aussi, son plaisir de lectrice, Sassenach  se demande s'il n'est pas son préféré de Tracy Chevalier (le mien reste La jeune fille à le perle) et Gambadou, qui n'avait plus envie de le lâcher, en fait même un coup de coeur...


jeudi 9 janvier 2014

Le rire du grand blessé (Cécile Coulon)

















Un régime totalitaire gouverné par Le Grand, à une époque et dans un pays inconnus. La littérature traditionnelle est interdite au profit de livres formatés créés à la chaîne et servant d'exutoires aux émotions des gens. De grandes lectures publiques de livres Frisson, Terreur ou Tristesse sont ainsi organisées dans des stades gigantesques. Pour contenir les débordements du public, des Agents du Programme, eux-mêmes analphabètes. 1075 est le meilleur d'entre eux...

Ceux qui me connaissent déjà un peu savent que j'ai du mal à résister à une dystopie. Surtout s'il y est principalement question de livres... Celle-ci réunit toutes les règles du genre : une sorte de Big Brother que personne ne voit jamais, au sommet d'une organisation bien huilée et inhumaine, des villes aseptisées et sur-surveillées alors que les campagnes sont abandonnées à leur sort, des citoyens étroitement canalisés, des écrans géants : bon tout ça fait déjà vu et revu. Quant aux livres interdits, c'est la manipulation inhérente à toute dictature et un classique de ce genre littéraire aussi...
Si tout n'est pas inintéressant dans le livre de Cécile Coulon, qui se lit vite, c'est déjà bien, rien n'y est vraiment abouti non plus et surtout, surtout... il n'y a rien de franchement nouveau sous le soleil vert de la dystopie.
Relisez plutôt Fahrenheit 451 !

Extrait : "Vous ne ressentez rien parce que les Livres ne procurent pas d'émotions. Ils les font simplement sortir. Et vous ne les avez pas en vous."


dimanche 5 janvier 2014

Yeruldelgger ( Ian Manook)

















Flic mongol écorché vif depuis le meurtre non élucidé de sa fillette, cinq ans auparavant, Yeruldelgger est justement appelé pour le corps d'une autre petite fille, tout juste découvert, enterré dans la steppe. De quoi exhumer ses vieux démons alors que, dans le même temps, il doit enquêter sur l'assassinat de trois chinois mutilés et de deux prostituées mongoles...

A celles ou ceux qui ont aimé Le dernier lapon, Yeruldelgger plaira certainement aussi ! Après le raz- de-marée des polars scandinaves, la mode semble être aux polars "des peuple nomades" écrits par des français. Plus rythmé, plus haletant que Le dernier lapon, Yeruldelgger est aussi beaucoup plus violent, d'une dureté impitoyable. Si l'intrigue policière en elle-même est plutôt bien ficelée, ce qui réellement captive ici, c'est la découverte d'un pays en pleine mutation où les nomades fiers des steppes sauvages (image d'Epinal de la Mongolie telle qu'on se la représente) coexistent encore tant bien que mal avec les habitants toujours plus nombreux d'une capitale sale et laide, mêlant nouveaux buildings modernes, barre d'immeubles pour défavorisés et squatts de fortune. Et certains tentent encore de perpétuer les traditions et les rites ancestraux au sein de cette société nouvelle gangrenée par l'hégémonisme économique des chinois, la loi de l'argent et du plus fort, creuset idéal à toutes les compromissions, tous les excès, sans plus d'états d'âme. Une lecture vraiment intéressante donc, bien au-delà d'un simple polar, même si j'avoue avoir ressenti une légère lassitude, due pour moi à la longueur du dénouement, à environ 80 % du livre (découvert en numérique).

Et si vous hésitiez encore, le billet chaud bouillant d'Yv, ne peut que vous convaincre ! Extrait, écrit en gros et en gras : "Excellent ! Lâchez vous bouquins et précipitez-vous en Mongolie"



vendredi 3 janvier 2014

La garçonniere (Hélène Grémillon)

















1987 à Buenos-aires, en Argentine. Le psychiatre Vittorio Puig vient d'être arrêté pour le meurtre de sa femme Lisandra, retrouvée défenestrée. L'une de ses patientes, Eva-Maria, refuse de croire à sa culpabilité. En enquêtant pour l'innocenter, elle se retrouve confrontée à tout un monde d'apparences et de faux-semblants et surtout à ses propres démons, dans une Argentine tout juste libérée de la dictature...

Ce roman, qui m'a beaucoup plu, est apparemment inspiré d'une histoire vraie...
Il m'a surtout rappelé, dans certains de ses aspects, une lecture qui avait été un choc pour moi : Luz ou le temps sauvage. Dans la garçonnière, la dictature de la Junte n'est terminée que depuis quatre ans et les souffrances endurées sont encore des plaies ouvertes, notamment pour Eva-Maria dont la fille fait partie des Desaparecidos (les disparus). En fouillant dans les comptes-rendus de séance de Vittorio, pour essayer de trouver un coupable possible parmi ses patients, Eva-Maria ne fait que raviver ce passé et son incapacité à surmonter sa douleur. Mais elle découvre aussi, au fil de ses investigations, que le couple, apparemment parfait, formé par Vittorio et sa femme était bien loin de l'image extérieure qu'il renvoyait. Petit à petit, la personnalité complexe de Lisandra, rongée par le besoin irrépressible d'être aimée va se dévoiler, jusqu'à la révélation finale où le mot garçonnière du titre prend un tout autre sens, dramatique et poignant.
J'ai lu ici et là, dans certaines critiques, que le style était lourd, forçant inutilement le trait sur la psychologie des certains personnages, par l'usage excessif de répétitions notamment... un procédé qui m'a rappellé peut-être un peu effectivement celui de Laura Kasischke dans Esprit d'hiver mais qui ne m'a pas gênée le moins du monde tant il participe à faire saisir au lecteur un malaise continuel, à travers un tic par exemple, ou une idée obsessionnelle. D'autres reprochent à l'auteure de se perdre, incapable de choisir entre polar, analyse psychanalitique, roman conjugal ou politique. Là encore, je ne suis pas d'accord et je trouve au contraire que tous ces thèmes abordés, intimement mêlés, font toute la richesse du propos, comme dans la vraie vie...
En conclusion, vous avez compris : après Le confident. j'ai beaucoup aimé La garçonnière... une auteure à suivre de très près, donc !

Le billet, récent, de Cuné.



mercredi 1 janvier 2014