lundi 29 octobre 2012

Les bourgeoises (Sylvie Ohayon)















Née dans la cité des 4000 à La Courneuve, Sylvie Ohayon y a vécu une enfance difficile  jusqu'à ce qu'après des études brillantes à La Sorbonne, elle aille enfin habiter Paris et côtoie les gens des beaux quartiers, une élévation sociale poursuivie comme un Graal depuis toujours. 

C'est l'auteure elle-même, parlant de son livre à la télévision, qui m'a irrésistiblement donné envie de le découvrir. Mission accomplie mais bilan mitigé : Sylvie Ohayon a certes la gouaille savoureuse de la banlieue couplée au sens de la formule lapidaire puisqu'elle a été conceptrice-rédactrice dans la publicité (métier que j'ai exercé moi aussi donc certains passages m'ont particulièrement intéressée) mais est-ce que cela suffit pour écrire un roman ? Roman autobiographique d'ailleurs parce qu'elle n'y parle que de sa propre vie sans aucune fiction autour, apparemment. Alors oui, au début ça m'a plu ... le regard de cette fille de banlieue, moitié juive moitié Kabyle, sur certaines bourgeoises qu'elle est amenée à fréquenter, qui l'ont d'abord rejetée parce qu'elle ne détenait pas les bons codes, est incisif et assez joussif mais ça tourne quand même assez vite au jeu de massacre systématique, à la caricature et surtout ... que de longueurs, que de redites !!! Même si Sylvie Ohayon semble plus apaisée vers la fin, que ses jugements se font plus indulgents, y compris vis à vis de ses propres erreurs qu'elle reconnaît d'ailleurs, se moquant volontiers d'elle-même, il me reste une impression globale de texte brouillon et qui tourne un peu trop en rond. Peut-être plus de concision, une qualité qu'elle a appris à manier, forcément, en rédigeant pour la publicité aurait-elle été bienvenue ? Et puis, Paris intra-muros est loin d'être peuplé uniquement de bourgeois, le seul aspect sur lequel insiste son texte ...

Extraits : 

"Je n'avais rien fait de mal et pourtant je culpabilisais-je crois que je viens de donner la défintion du juif, là."

"Faut pas croire que les objets feront l'affaire ; le bonheur, c'est toujours à côté de quelqu'un qu'il se trouve."

L'avis de Stephie ...


samedi 27 octobre 2012

Jusqu'à la folie ( Jesse Kellerman) - Format broché















Jonah est étudiant en médecine. Alors qu'il rentre chez lui tard le soir, épuisé après une longue journée passée à l'hôpital, il vole au secours d'une jeune femme qu'un homme est en train de poignarder dans la rue et tue accidentellement l'agresseur. Les médias le posent en héros, le procureur cherche à en savoir plus, la jeune femme veut absolument lui prouver sa reconnaissance et Jonah, lui, va se trouver pris dans une spirale infernale ... 

Alléchée par un résumé tentant et le fait que j'avais apprécié Les visages, du même auteur, je me suis laissée tenter par ce thriller que finalement ... je n'ai pas du tout aimé ! J'ai même failli l'abandonner mais une fois 140 pages lues, je me suis dit que je pouvais quand même tout aussi bien continuer... Sans plaisir réel cependant : tout ça m'a paru très long, l'intrigue  tarabiscotée et par moments peu crédible, la description du milieu hospitalier un brin caricaturale et  le style pas vraiment agréable à lire. Bref, une déception, dont Sandrine,qui me l'a fait parvenir en livre voyageur  et que je remercie n'est en rien responsable !
Son billet : ici.


dimanche 21 octobre 2012

La vallée des masques (Tarun Tejpal) - Format numérique















Un homme attend dans la nuit qu'on vienne le tuer et déroule l'étrange récit de sa vie. Une vie passée dans une communauté fermée au fond d'une vallée isolée, à poursuivre sans cesse un idéal d'excellence, de pureté jusqu'à devenir un Wafadar, un guerrier d'exception. Ces mêmes Wafadars qui viennent l'éliminer parce qu'un jour, enfin, il a ouvert les yeux et s'est enfui ...

Impressionnée, scotchée, fascinée ... voilà comment je me suis sentie tout au long de ma lecture et toujours, après, avec un peu de recul ! Un livre atypique, tout à la fois conte ensorcelant, fable philosophique et épopée ambitieuse. Cet homme attend une mort qu'il sait inéluctable car on n'échappe jamais totalement au monde d'où il vient ... en entreprenant de nous raconter sa vie entière au plus près, au plus intime, il dessine peu à peu un système implacable, imparable, un univers dans lequel il croit aveuglément puisqu'il est conditionné pour depuis sa naissance. Abandon de l'individualisme et de la propriété, partage absolu de tout, recherche du meilleur de chacun pour le bien de tous, contrôle du corps et de l'esprit par la méditation ... les valeurs de la Confrérie visent à créer une entité unique, libérée des faiblesses habituelles de toute organisation humaine. Une société parfaite en somme, qu'il nous décrit comme telle alors même que ses dérives apparaissent aux yeux du lecteur, de plus en plus monstrueuses, de plus en plus intolérables. Tellement dedans, si bien endoctriné, lui ne voit rien, ne sent plus rien, réduit peu à peu à l'état de robot déshumanisé, prêt à commettre des horreurs en toute bonne foi jusqu'à ce qu'un jour, enfin...  il voit et comprenne. Une fois le doute, la réflexion personnelle sévèrement réprimés et la pensée unique devenue un dogme auquel on ne peut déroger, les idéologies les mieux intentionnées ne peuvent déboucher alors que sur les pires cauchemars.
Servie par un vrai souffle dans le récit, malgré quelques longueurs que je pardonne aisément, cette démonstration habile, impeccable, du mécanisme des sectes en particulier et des totalitarismes et des religions en général m'a vraiment subjuguée. Un livre qui ne ressemble à aucun autre.
Et une couverture à la hauteur du propos ...

Extrait : "Puisse-t-il faire germer en eux le seul état -s'il en existe un- qui dépasse en grandeur la musique ou l'amour. Le doute. Puisse-t-il toujours alterner avec la foi comme la nuit et le jour."

Les avis d' YvYspaddadenClara, impressionnés également ... mais si Mango et Sandrine le qualifient de bon ou beau roman, c'est toutefois avec un léger bémol.


jeudi 18 octobre 2012

Il suffit d'un crayon ...


... pour créer tout un monde. 
Un conte, un roman, une chanson... ou même un univers visuel tout simple mais plein d'inventivité, de charme, de poésie : 


Plus d'images et d'infos  sur le site où j'ai découvert ces drôles de créatures taillées sur mesure ...


mercredi 10 octobre 2012

Certaines n'avaient jamais vu la mer (Julie Otsuka) - Format numérique














1919. Un bateau accoste à San Francisco, rempli de japonaises arrivant tout droit du Pays du Soleil Levant... Mariées par procuration à des hommes japonais déjà installés aux Etats-Unis et qu'elles n'ont vu qu'en photo ! Leurs espoirs sont immenses, leurs déceptions le seront tout autant. 

Quel livre ! Pour plusieurs raisons ... d'abord parce qu'il m'a appris quelque chose, à moi aussi ( cf. billet d'Yv). Jamais entendu parler avant de cette immigration japonaise de masse, main-d'oeuvre docile et bon marché jusqu'à ce que la seconde guerre mondiale éclate et que les mêmes deviennent alors des espions, des traîtres, ceux dont on ne veut plus. Et quel style pour le décrire et le dire ... la présentation de l'éditeur parle de choeur antique et oui, il y a de ça (décidément, on reste dans les comparaisons avec l'antique, juste après Le Sermon sur la chute de Rome) l'auteure ayant choisi, plutôt que de se perdre à raconter chaque destin individuel, un Nous collectif, scandé et répétitif, fait de phrases courtes, enchaînées. Et de cette répétition, de ce rythme, de cette musique (Yv, dans son billet, évoque le boléro de Ravel) naît une grande poésie, une grande richesse et une grande force aussi, une multitude de personnages touchants se dessinant en même temps qu'une fresque globale apparaît très clairement. Cette vie foisonnante on la ressent, on y est, on la touche du doigt et puis, ces voix multiples qui soudain s'éteignent par la volonté des événements et des hommes pour laisser brutalement place au silence créent un sentiment réellement poignant ...
J'ai adoré, vraiment ... 3 ème titre lu de la rentrée littéraire et 3ème essai transformé, un bon cru en ce qui me concerne, pour le moment, indéniablement !
Quel beau titre, déjà ... et quelle jolie couverture aussi, non ?

Extrait :  Nous faisions nos courses à l’épicerieFujioka, où l’on vendait tout ce que nous avions l’habitude de trouver autrefois chez nous : du thé vert, des pains de poisson, de l’encens, des prunes au vinaigre, du tofu frais, des algues séchées pour lutter contre le goitre et le rhume. Nous allions chercher du saké de contrebande pour nos maris, à la piscine qui se trouvait sous le bordel à l’angle de Third Street et Main Street, en prenant soin d’enfiler un tablier blanc afin que l’on ne nous confonde pas avec les prostituées. Nous achetions nos robes chezYada Ladies’ Shop et nos souliers chez Asahi Shoe, où nous trouvions notre pointure. Nous allions chercher notre crème pour le visage chez Tenshodo Drug. Nous nous rendions aux bains publics tous les samedis, où nous cancanions avec nos amies et nos voisines. Était-il exact que Kisayo refusait de laisser entrer son mari chez lui par la porte de devant ? Mikiko s’était-elle vraiment enfuie avec un joueur de cartes du Toyo Club ? Et que Hagino avait-elle donc fait à ses cheveux ? " 

Le billet d'Yv (ciel, un homme ! Ce n'est pas si souvent ! ;-)) qui m'a encore confortée dans ma décison, déjà prise (et ô combien justifiée) de le lire...


mardi 9 octobre 2012

Le sermon sur la chute de Rome (Jerôme Ferrari) - Format numérique















Dans un petit village isolé de Corse, deux amis d'enfance reviennent s'installer pour s'occuper d'un café, tournant ainsi résolument le dos à leurs études de philosophie, et rencontrent un succès inespéré. Mais leur petit monde idéal est illusoire et n'aura qu'un temps ... comme Rome, comme tous les empires créés de toutes pièces par la main de l'homme, il porte déjà en lui les prémices d'une chute brutale, fatale.

Malgré un résumé pas forcément très compréhensible au début, faisant un parallèle entre cette histoire de café corse et le sermon de Saint Augustin fait à Hippone, après la chute de Rome en 410 et son invasion par les barbares... j'ai tout de suite eu envie de ce livre. Envie, oui mais avec l'appréhension pourtant que ce soit un peu confus ou tiré par les cheveux tout de même...
Que nenni !  La comparaison, finement amenée, est parfaitement légitimée par l'atmosphère de tragédie antique qui imprègne totalement ce roman et je me suis laissée convaincre et envoûtée...  J'ai d'ailleurs pensé par moments au Soleil des Scorta de Laurent Gaudé (à propos duquel j'avais déjà parlé de tragédie grecque) relatant le destin maudit d'une famille dans un petit villlage déshérité d'Italie ... pour la dureté du climat, l'âpreté des caractères et des sentiments où tout couve, sans jamais se dire, jusqu'au drame. Mais si le ton de Gaudé m'avait paru assez détaché, on entre ici bien plus avant dans la tête des principaux personnages, au coeur de leurs pensées les plus intimes. Que ce soit Libero, issu d'une famille sarde pauvre et méprisée, qui a donc quelque part une revanche à prendre ... Matthieu, plus faible de caractère mais déterminé à lier son sort à celui de Libero et de ce village ... ou son grand-père Marcel, qui s'est toujours senti à côté de sa vie,  chacun est mû par la volonté farouche de diriger sa propre destinée, de façonner malgré tout un univers à sa mesure sans voir que si la vanité des hommes est infinie, ses créations, elles, ne sont rien, portant déjà en elles-mêmes les gênes de leur propre destruction, comme lui.

Deuxième titre de la rentrée littéraire et deuxième bonheur de lecture donc, pourvu que ça dure...
 Le sermon sur la chute de Rome figure déjà dans la liste en lice pour le prix Goncourt mais aussi pour le Grand prix du roman de l'Académie française et le Femina. A suivre ...

Les avis positifs de Kathel et  Dasola ainsi que de Papillon et de Jostein qui émettent tout de même une petite réserve ...


samedi 6 octobre 2012

Alors ça, ça réveille ...


... surtout pour un samedi matin où je suis debout aux aurores, encore une fois !  Ce clip du prochain album de M, à paraître en novembre, donne la pêche et envie de bouger, c'est le moins qu'on puisse dire :



Et si vous regardez bien jusqu'au bout (ce serait dommage de rater le solo de guitare) vous y découvrirez même une guest star... allez, bon week-end et bon Mojo !!!


mercredi 3 octobre 2012

Home (Toni Morrison) - Format numérique















L'Amérique ségrégationniste des années 50. Franck Money, rentré traumatisé de la guerre de Corée, n'en est pas mieux accepté pour autant... Un appel au secours lui parvient, concernant sa jeune soeur Cee, à l'article de la mort. Traversant une partie des Etats-Unis, Franck rentre donc à Lotus, le misérable bled de leur enfance pour la rejoindre, la sauver et peut-être ainsi se sauver lui-même ...

Après 2 mois passés à lire plutôt des polars (sans rien chroniquer), je vais peut-être enfin revenir à une activité de lectrice plus "normale" si mon activité professionnelle veut bien me laisser un peu de répit. La rentrée littéraire, avec ses multiples tentations, va bien m'y aider je crois puisque j'en ai déjà engrangé 5 titres et listé une ribambelle d'autres...

Mon premier de cette fameuse rentrée est donc Home de Toni Morrison dont j'ai noté depuis longtemps le célèbre Beloved, plus difficile d'accès que celui-ci, d'après ce que j'ai compris... J'ai lu quelque part que l'auteur s'attachait dorénavant à dépouiller de plus en plus ses romans, à faire court pour aller à l'essentiel et celui-ci est effectivement proche de l'épure.
 Il dit beaucoup en un minimum de pages mais si les faits en eux-mêmes donnent peu à voir, ils dessinent parfaitement pourtant toute une période à travers quelques détails, une toile de fond riche et précise, un contexte complexe. Pas un mot de trop ni de digressions inutiles ici, juste une alternance des chapitres efficace, Franck se racontant dans l'un, l'histoire se poursuivant à travers la voix d'un autre protagoniste dans l'autre. Et les souffrances indélébiles causées par toutes les guerres, l'horreur de  la condition noire dans l'Amérique de ces année-là, encore décuplée quand on est femme en plus d'être noire, finissent par s'imposer au lecteur avec une force incroyable. Rentrée littéraire réussie donc pour moi avec ce "grand petit livre" qui mérite vraiment d'être lu ...

Je dois vous avouer qu'il a fallu que je me motive sacrément pour revenir sur ce blog, m'étant, entre autres, habituée cet été à lire sans la "contrainte" d'un avis à rédiger, sans avoir à  chercher des arguments un tout petit peu pertinents pour aller au-delà du simple J'ai aimé/J'ai pas aimé ... je ne suis donc pas vraiment sûre de l'interêt de ce billet (pas sûre non plus encore d'effectuer un vrai retour avec un rythme régulier) et vous renvoie donc aussi sur ceux de ChocoJostein et Dasola.