vendredi 11 février 2011

Des gens très bien ( Alexandre Jardin )



















Après un nombre incalculable de romans sentimentaux, Alexandre Jardin décide ici de changer totalement de registre, en révélant enfin à la face du monde les responsabilités de son grand père, dit le Nain Jaune, dans les décisions prises par le gouvernement de Vichy dont il a été, d'avril 1942 à octobre 1943, le directeur de cabinet pour Laval. Si le fait en lui-même est connu, l'auteur estime que toute sa famille, lui compris, s'est toujours aveuglée sur ce que cela impliquait réellement, notamment lors de la rafle du Vél d'hiv. Incapable de porter ce poids plus longtemps il dit lui même : " Ce livre aurait pu s'appeler fini de rire. C'est le carnet de bord de ma lente lucidité".


Après avoir été, plus jeune, assez cliente des fantaisies sentimentales d'Alexandre Jardin, en commençant par le premier : Bille en tête, j'ai fini par me lasser de lire constamment le même roman ... Fanfan 1, Fanfan 2, Fanfan 3, Fanfan 18 (comme l'a dit  François Busnel dans la Grande librairie) et je n'avais plus du tout envie de continuer avec l'auteur ... jusqu'à ce que Des gens très bien soit annoncé ! Présenté comme LE livre d'Alexandre Jardin, celui qu'il portait en lui depuis toutes ces années, bien loin de ses précédents tant dans la forme que dans le fond, je me suis dit que pour le coup j'irais bien lire ça de plus près. Et c'était avant même  que j'entende parler de la polémique que ça a suscité ...

Bref, je me suis donc plongée dans celui-ci qui, bien que très différent quant au sujet traité ne m'a pas paru si nouveau pourtant dans la forme dont je parlerai d'abord. Mon dieu ... que de redites, que de clous enfoncés, que de concepts répétés ad nauseum ( la comparaison avec le fameux tableau accroché si en évidence qu'on ne le voit plus, par exemple ) alors qu'on a déjà bien compris la teneur du message ... merci ! Si Jardin se paraphrasait lui-même en essayant de toujours réinventer le quotidien amoureux de livre en livre, il tourne ici sans cesse en rond autour du même sujet au sein du même écrit ! Pénible à la longue ... 295 étaient elles vraiment nécessaires ? Quant à certaines formules ou têtes de chapitre, elles font vraiment tiquer ! Quand l'auteur, dans son écriture, se laissait  auparavant emporter, celà collait encore avec les élans de la passion qu'il voulait décrire mais,  appliquée à ce propos en particulier, plus de retenue aurait été bienvenue. Je pense, entre autres, à "Auschwitz chez les jardin ", "Je publiais Fanfan ou Le Zèbre mais je couchais déjà avec Himmler ", " Enjuiver la France ", " Du crime du Vel d'hiv à la promotion de la lecture, il n'y avait qu'un pas ... ". Ces  deux dernières citations m'amènent  naturellement à aborder maintenant le fond. Là encore, que d'emportement, que de raccourcis hasardeux voire carrément fumeux ! Alexandre Jardin nous dit que s'il n'a produit depuis 20 ans que des romans à l'eau de rose, gais et légers, c'était pour donner le change et cacher sous des airs enjoués une profonde souffrance, soit ... mais sans passer directement à la confession brutale et frontale d'aujourd'hui, peut-être aurait-il pu aborder ces sujets qui apparemment le tourmentaient tant de façon détournée ? Quand il en vient à se prendre quasiment pour un juif et à vouloir racheter la terrible faute de son grand père en militant pour l'association Lire et faire lire, au prétexte qu'il a découvert que le peuple juif lisait la Torah et que là est toute la différence, les juifs étant plus enclins à se poser des questions qu'à asséner des réponses ... la relation de cause à effet si directe laisse quand même perplexe ! " L'Aryen moyen est fier de son ADN, le juif de sa bibliothèque." ... comme si tous les catholiques (et je le dis d'autant plus facilement que je ne me revendique pas comme telle) n'étaient que des brutes ignares et obtues et tous les juifs des intelligences supérieures inaccessibles à tout défaut ! Je suis particulièrement sensible (bien que n'étant pas juive non plus) à tout ce qui touche à la Shoah, j'ai lu bon nombre de livres sur la question et était toute prête à écouter Alexandre Jardin d'une oreille attentive et bienveillante mais l'impression qu'il m'en reste est tout de même un manque certain de nuances.
 
Quant aux faits eux-mêmes, il est de notoriété publique que Jean Jardin était directeur de cabinet de Laval ... rien qu'à ce titre donc, il est clair qu'il n'est pas tout blanc et qu'il y a de quoi lui reprocher certaines choses. Mais pour déterminer son degré d'implication  réelle (collabo actif  ou temporisateur tentant d'éviter le pire) ... c'est là que le bât blesse car s' il n'a jamais été inquiété officiellement, y compris par des accusateurs tels que Serge Klarfeld que l'on ne peut décemment pas taxer de complaisance, c'est parce qu' il n'y a  aucune preuve. Continuant sur son idée fixe (qui n'est pas basée sur un ressenti ou des confidences qu'auraient pu lui faire son grand-père puisqu'il l'a très peu connu) l'auteur affirme que s'il n'y a pas de traces c'est que précisément, dans son grand machiavélisme, Le Nain jaune a pris soin de tout faire disparaître. Quoi qu'il en soit, le manque de preuves et de documentation sérieuse est justement l'un des principaux reproches faits à ce livre, notamment par Pierre Assouline (sur son blog) qui a écrit la biographie de Jean Jardin (Une éminence grise) et qu' Alexandre Jardin met directement plusieurs fois en cause.

Alors parano... pas parano ? Totale sincérité ou moyen pour se rendre intéressant ? Depuis, la polémique fait rage avec la famille, l'oncle et le cousin d'Alexandre tout spécialement qui, scandalisés, récusent totalement ses propos. Dans leur interview sur Europe1, ils insistent sur  2 points ... d'après eux, Alexandre Jardin a effectivement l'air "en souffrance" (sous entendant plus ou moins qu'il ne va pas bien) mais en même temps tout cela ne serait qu'une vaste opération marketing, une manipulation parfaitement cynique pour se remettre sur le devant de la scène alors que le succès n'est plus au rendez-vous ! C'est vrai qu'en visionnant une partie de La Grande librairie, il ne m'a pas paru apaisé, ni naturel, un peu theâtral à vrai dire ...
Pour finir, a t'il raison, tort ? Difficile de le savoir vraiment et je me garderai donc de porter un jugement définitif. Simplement, Des gens très bien me laisse très mitigée, un peu mal à l'aise même et ne m'a pas réconciliée avec l'auteur dont  j'aurais attendu plus de maturité ...


Pour en savoir plus :


Alexandre Jardin à La grande librairie

par l'oncle et le cousin d'Alexandre Jardin



Malgré mon avis peu engageant, si vous êtes intrigué(e)s et tenté(e)s, ce livre peut voyager ...


Demandez-le simplement dans les comms ( avec un lien vers votre blog ) puis envoyez-moi vos coordonnées en privé, par mail.


27 commentaires :

  1. Pas lu (pas intéressée: je me suis rapidement lassée de l'auteur, parce que ce qui m'avait initialement séduite se répétait, comme tu le soulignes dans ton billet) mais ma soeur m'en a pas mal parlé en cours de lecture. Je lui envoie le lien vers ton billet.

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  2. Je n'ai pas vraiment envie de (re)lire Alexandre Jardin, et tu me confirmes que je fais bien ! Ni le sujet ni le style ne provoquent la moindre étincelle d'envie !

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  3. J'ai vu aussi la Grande Librairie, et je l'ai entendu plusieurs fois à la radio. Il a l'air sincère, mais peut-être n'est-il vraiment pas un écrivain après tout ? et qu'il est aveuglé par ce qu'il ne réussit pas à surmonter. Je n'avais pas aimé le ton du "roman des jardin" trop complaisant par rapport à sa famille (et je ne pense pas à la politique). Bref, je ne suis pas sûre de lire celui-ci, je pensais qu'il avait fait plus sobre.

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  4. Brize : tu me diras ce qu'elle en a pensé !

    Kathel : peut-être suis-je un peu sévère, je ne sais pas ...

    Aifelle : moi aussi !!!

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  5. Ton billet est formidable, très bien argumenté... et je ne pense pas que tu sois trop sévère d'autant plus que tu as ouvert ce livre prête à revoir ton jugement sur A.Jardin...

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  6. déjà, j'aime bien l'auteur et même si ce nouveau roman sort totalement de ses sentiers battus, j'ai envie de tenter l'aventure mais quand il sera en poche seulement.

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  7. Je n'accroche pas du tout avec cet auteur,mais pas du tout!!
    Il semblerait en plus que tout n'était que tissu de mensonges dans un de ses romans sur sa famille
    Bonne journée

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  8. Tout le tintouin médiatique autour de ce livre m'a un peu fatiguée, donc je ne suis pas tentée !

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  9. Catherine : merci ! J'ai essayé d'exprimer au mieux ce que j'ai ressenti et de rendre compte de la polémique ...

    Depocheenpoche : ça peut largement attendre effectivement ! ;-)
    Quelle super idée de répertorier toutes les nouvelles sorties poche ... tu vas devenir ma bible ! :-D

    Autour du puits : pas la peine de s'y attarder alors, sans regrets ! Bon week-end

    Irrégulière : au lieu de le servir , ça va finir par le desservir !

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  10. Je n'avais pas entendu parler de toute cette polémique
    Il faut dire que je ne regarde pas la télévision n'écoute qu'une radio dite classique et choisis mes lectures un peu à l'instinct aidée par ce que je pioche à droite à gauche
    Le livre dont je parlais était Le roman des Jardin bien sûr
    Article intéressant sur Evene

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  11. Je l'ai entendu sur France Culture, et j'aurais pleuré si je n'avais pas tant ri... il faudrait qu'on le crucifie je pense, ça lui ferait bien plaisir. Pour qui se prend-il ce type, il faudrait qu'il arrête son cinéma, de hurler frappez-moi, j'aime ça. S'il en est réduit à ça pour faire parler de lui, effectivement, il n'est pas bien...

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  12. Aloïs : il a commencé à se fâcher avec toute une partie de sa famille à la sortie ce livre et il continue avec celui-ci ! J'ai lu l'article sur Evene, oui !

    Ys : c'est vrai que tout cela semble "trop" et c'est un peu ce que j'ai voulu dire en le qualifiant de theâtral à La grande librairie.

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  13. C'est un auteur avec qui je n'accroche pas du tout, avant même cette polémique, et je ne serais te dire pourquoi... Bises et bon dimanche Véro ! :-)

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  14. Bon, je dois dire que tu confirmes ce que je pressentais. Je ne pense pas que je le lirai. L'entendre à la grande librairie ou à la radio me suffira.

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  15. Florinette : comme ça, c'est réglé ! ;-)
    Bises et bonne soirée ...

    Sylire : il finit par créer une sensation de rejet, je crois !

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  16. grâce à rose et gris j ais découvert ton blog qui me permets d avoir une pre sélection quand je ne suis pas inspirée dans le choix d un livre alors MERCI
    en plus j adore dans la colonne de gauche ton manifeste d antigone
    bise
    odile

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  17. Alors bienvenue dans ma petite bibliothèque virtuelle Kroko ! :-D
    Quant au Manifeste d'Antigone, c'est une copinaute qui l'a créé après une histoire pas très sympa qui lui était arrivée sur la blogosphère "livres" ! Son pseudo est Antigone et son blog s'appelle : Un jour je serai grande ...

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  18. Moi la fille perdue dans le fond fond de sa campagne, et pas souvent bien intéressée par le monde extérieur, n'avait jamais entendu parler d'une quelconque polémique autour de ce livre! Heureusement que les blogueuses sont là pour "m'actualiser".
    Comme toi je suis passée de l'enthousiasme à la lassitude avec A.Jardin. Ton billet (passionnant!) ne me donne pas envie de le retrouver.

    Bonne semaine!

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  19. je crois effectivement que tu peux très bien t'en passer et faire une belle balade dans le find fond de ta campagne à la place ! ;-)
    Bises et bonne semaine à toi aussi ...

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  20. tu écris fort bien tout ce que je pense de l'idée même de ce livre, du style de l'auteur et de ses motivations, raisons pour lesquelles je n'ai pas souhaité le lire..

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  21. Je suis la sœur de Brize et j’ai lu « Des gens bien » d’Alexandre Jardin que je n’ai pas aimé. Je n’ai pas été convaincue par le ton du livre et certaines expressions m’ont choquée « enjuiver la France » par exemple. Afin de mieux comprendre les motivations de l’auteur dont je n’avais lu qu’un livre, j’ai lu après « Des gens bien », « Le roman des Jardin » et j’ai trouvé curieux de constater que certains passages étaient quasiment identiques dans les deux livres. Ce qui a achevé de me mettre mal à l’aise. Il n’est vraiment pas indispensable de lire le dernier livre d’Alexandre Jardin. Je partage tout à fait ton analyse sur ce livre et tu as su avec talent exprimer tout mon ressenti.
    Kutik

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  22. Bonjour Monique, désolée de ne pas t'avoir répondu plus tôt mais j'étais sans connexion internet ! Je te remercie d'être venue ici partager ton ressenti ... mal à l'aise, oui, je l'ai été aussi !!!

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  23. J'ai plutôt bien aimé, ce coup de pied de Jardin dans la fourmilière. Si Klarsfeld n'a rien trouvé sur jean Jardin, c'est aussi, que contrairement à Papon ou Bousquet, il est mort dans les années 70 ! je trouve ce récit, certes, mais touchant.

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  24. Tiens c'est drôle, je viens juste de mattre un lien vers ton billet à propos des Chaussures italiennes, chez moi aujourd'hui ... décidément, on n'est pas tout à fait en phase ! ;-)

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  25. Ton billet date un peu mais je voulais te dire que j'avais eu exactement le même ressenti que toi à la lecture de ce livre. Je l'avais trouvé très répétitif et tu résumes tout à fait les sentiments qui m'ont animée (je crois d'ailleurs que je n'avais pas fini de le lire). J'avais éprouvé aussi comme une indécence, j'étais mal à l'aise comme si j'avais découvert un récit au fond d'une malle, et que je n'aurais pas du lire.

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    1. Au final, j'en garde le sentiment qu'Alexandre Jardin n'est certainement pas quelqu'un de très équilibré !

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