vendredi 8 février 2013

Les saisons de l'envol (Manjushree Thapa)















Prema gagne une green card lors d'une loterie organisée au Népal par le gouvernement américain. Du jour au lendemain, elle décide alors de partir, laissant son père et sa soeur, enrôlée par les maoïstes, fuyant la guerre et la pauvreté de son pays. Arrivée à Los Angeles pour un nouveau départ, elle connaîtra les affres du déracinement, de l'exil et des différences culturelles jusqu'à ce qui, ni vraiment américaine, ni plus tout à fait népalaise, elle trouve peut-être enfin sa place...

C'est le service de presse des éditions Albin Michel qui, voyant sur mon blog que j'avais chroniqué et beaucoup aimé La vallée des masques, m'a proposé de découvrir un autre roman népalais. J'ai accepté d'autant plus volontiers que  dans mes chambres d'hôtes, je venais de recevoir durant dix jours une famille : le père népalais, la mère américaine, vivant avec leurs enfants en Australie mais projetant sérieusement de venir s'installer dans mon coin des Pyrénées. J'avais eu, avec lui en particulier, une longue discussion un matin au moment du petit déjeuner sur les raisons de son départ de Katmandou, les difficultés d'intégration en Australie, le nouveau changement de vie radical qu'ils s'apprêtaient à faire en décidant de déménager en France ... j'avais donc tout naturellement envie de donner un prolongement aux thèmes que nous avions abordé ensemble en découvrant ces Saisons de l'envol.
Et les questions posées interpellent car si le Népal reste un endroit très "exotique" que les américains savent à peine situer, je pense que même sans venir d'un pays si éloigné culturellement, économiquement et politiquement, le fameux American dream qui nous anime tous plus ou moins consciemment pâtit forcément de la confrontation à la réalité.
Et tout un chacun émigrant aux Etats Unis peut finir par se dire"alors finalement, c'est ça en vrai, l'Amérique ?". D'autant plus pour Prema qui quitte tout, du jour au lendemain, avec dans l'idée de faire table rase du passé, de se réinventer, de se créer une  nouvelle vie toute neuve. Mais on ne renie pas si facilement ce qui nous a construit et les modes de pensée trop différents finissent forcément par se télécosper. Les préoccupations purement matérielles des américains choquent Prema qui vient d'une culture beaucoup plus "spirituelle" et d'un environnement si dur que LA grande question existentielle est d'abord de survivre....

"La dissonance qui avait retenti dans l'esprit de Prema n'avait pas disparu, pourtant. Pourquoi les Américains étaient-ils d'humeur si légère ?"

Même l'amour qu'elle trouve en la personne de Luis ne suffira pas à l'ancrer, à la retenir dans sa nouvelle réalité où elle n'a plus d'identité, ne se sentant plus à sa place nulle part, un sentiment poignant qu'elle ressent intensément, autant par la réflexion consciente que par les émotions brutes et soudaines...

"Mieux elle discernait le shéma auquel obéissait la vie de Luis, moins Prema se sentait à sa place là où elle se trouvait. Un soir, de la salle de bains, elle aperçut le parking du centre commercial. Complètement désert à cette heure, long comme plusieurs pâtés de maison, ses lignes diagonales blanches évoquaient les peintures abstraites accrochées au mur du séjour d'Esther : elles représentaient l'habitat des fourmiliers, des kangourous et des tatous, avait dit la vieille dame. Le parking était l'habitat des voitures. 
Qu'est-ce que Prema faisait ici ? 
Mais si ce n'était pas ici, alors où était-elle censée aller ?
Il n'y avait rien à redire à sa vie présente. Elle était plutôt contente de son sort. 
Et puis elle était à sa place avec Luis, non ?"

C'est finalement en se cherchant au plus près de ce qu'elle est que Prema finira par apprivoiser sa sensation d'étrangeté et sa culpabilité, par s'apaiser, se poser et commencer à entrevoir un sens à donner à sa vie ...

Je remercie les éditions Albin Michel pour l'envoi de ce livre à la fois intéressant et touchant, mon deuxième donc d'un auteur népalais, une dimension très nouvelle par rapport à ce que je lis habituellement en littérature étrangère...



8 commentaires :

  1. Je le note, il a tout pour me plaire !

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  2. Je trouve passionnant que tu aies pu donner un écho intéressant à ta discussion avec ton hôte... je crois qu'effectivement la choc doit être rude entre Népal et USA, entre spiritualité et vie simple d'une part et matérialisme forcené et superficialité de l'autre... mais il ne faut pas peut-être non plus trop généraliser et tomber dans les clichés, ce livre permet surement d'approcher une réalité plus complexe et moins manichéenne...bises

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    1. Et c'est aussi pour cette raison que j'avais d'autant plus envie de le lire ! Mais effectivement, les interrogations de l'héroïne sont intéressantes car pas trop manichéennes, elle oscille constamment entre les 2 mondes avant de finalement trouver sa place, peut-être, dans un juste milieu qu'elle se taille pour elle-même sur mesure ...
      Je suis sûre que ce livre pourrait te plaire ...
      Bises et bonne soirée !

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  3. Un roman qui a l'air très beau. Et chapeau à la maison d'édition de miser sur des auteurs népalais.

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  4. Un beau roman sur le déracinement et la recherche d'identité. j'avais aussi beaucoup aimé La vallée des masques, et si tu continues avec A. Michel, les attachées de presse sont charmantes et leur catalogue pas mal du tout.
    A bientôt

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    1. Moi aussi , c'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai été contactée au départ : un autre roman népalais ... ils ne sont pas si nombreux !!!
      Le contact que j'ai là-bas est en effet charmante et j'attends un nouveau roman de mars ...

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