Le narrateur est un auteur qui vient de réussir un coup de maître dans le monde de l'édition : son 1er livre est LE best-seller, celui que tout le monde s'arrache. A cela, une bonne raison qui lui échappe totalement, lui qui n'a voulu que raconter ses souvenirs d'enfance dans la ferme de ses grands-parents : le livre s'auto-écrit, est différent pour chaque lecteur qu'il touche donc en particulier et en plein coeur. Idem pour l'étranger : il s'auto-traduit ! Jusqu'à ce que ça se mette à déraper ...
Voilà un court récit découvert chez Mot-à-Mots, très vite lu (c'est le principe de la collection dans laquelle il est édité) mais pas inintéressant, loin de là ! Parce qu'il pose des questions pertinentes sur la création littéraire, le monde de l'édition et le système des prix prestigieux, souvent bien éloignés des succès populaires de librairie et parce qu'en plus, tout simplement, il est très marrant et plaisant à lire ! Je me suis bien amusée, reste à espérer qu'il ne m'ait pas rendue encore plus dingue que je ne le suis déjà ! Et plutôt que de longs discours sur un texte aussi court, le plus parlant sera le nombre de passages que j'ai surlignés :
"Lorsque Frédéric Beigbeder a reçu mon livre, il l'a trouvé "infernal". Lui qui a pourtant cet art consommé de la formule, il ne trouva rien de mieux à dire et à répéter à tue-tête que : "Putain, c'est génial, c'est génial, c'est génial". Il se trouvait bien court, l'ex-jeune home énervé des lettres françaises."
J'adore !
"Sept cent quatre-vingt huit autres romans que le mien sont sortis cette rentrée-là, rien que dans l'Hexagone... Ca virait vraiment au n'importe quoi. Combien de vocations inutiles ai-je tué dans l'oeuf ? Au moins des centaines, probablement des milliers et c'est tant mieux. Mon livre a dit tout haut ce que les éditeurs n'avaient plus le courage de répondre même tout bas : "Franchement, franchement, on n'a pas besoin de vous. Rentrez chez vous, ça vaut mieux. Votre livre est pas mal ... Mais on va en imprimer trois mile, en mettre en place deux mille, en vendre cinq cents, vous filer mille euros d'à-valoir et perdre quelque chose comme dix ou quinze mille euros... Ou, je sais pas moi, diffusez une version numérique sur internet et ça évitera de gâcher de l'encre et du papier. Ou alors, auto-éditez vous ! Vous n'avez pas quelques copains pour vous aider? "
Aïe !
"Le Prix Renaudot, réputé être le prix de consolation du Goncourt et donc incompatible avec celui-ci, c'est Goncourt ou Renaudot, fromage ou dessert, Sarkozy ou Hollande, pas les deux... sauf pour moi bien sûr ;
Le prix des Deux Magots, n'assurant en rien les magots évoqués ;
Le Prix Maison de la Presse, assurant une populatité sans égale dans son quartier ;
Le Grand Prix RTL-Lire, assurant une popularité sans égale dans son immeuble ;
Le Prix Roger-Nimier, assurant une popularité sans égale auprès de Marie Nimier ..."
Excellent !
"Je craignais moins les critiques des professionnels que celles des simples lecteurs, sur leur blog ou leur profil Facebook. Les premiers ne lisent pas les livres et ne se lisent que très peu entre eux ; sauf quand on leur a rapporté qu'ils étaient eux-même cités ou mis en cause. Parmi les seconds, en revanche, on trouve parfois de véritables teignes. Des coupeurs de couilles de lombric en huit mille. Des gens qui mettent tant de hargne et de frustration à n'être "que" lecteurs qu'ils finissent par voir dans le texte ce que vous, l'auteur, n'avez jamais eu l'intention d'y mettre. Y a une thèse à écrire sur la méchanceté du lecteur attentif."
Ah oui ? ;-)
"L'effet... L'effet dépend toujours de celui qui lit. Je crois que le lecteur apporte au moins 50% de ce qu'il y a dans le texte. A moi, en tant qu'auteur, de savoir trouver des lecteurs talentueux."
Tiens, tiens ... ce fameux "effet" corroborerait donc ce que je disais dans le billet précédent au sujet de La vérité sur l'affaire Harry Quebert, quand je m'obstinais à voir Nola brune alors qu'il est avéré qu'elle est blonde ...
Bref un bon petit moment de lecture et une excellente initiative que ces éditions Storylab qui "proposent des fictions et des documents d'actualité à lire en moins d'une heure sur smartphones, tablettes et liseuses. Des formats courts et inédits pour un nouveau plaisir de lire." A réitérer si j'y pense ...
Extrait de la biographie de l'auteur :
"Depuis qu'il a renoncé au salariat -sur prescription de son psychanalyste- Frédéric Mars se rend dingue avec les concepts à la noix qui occupent constamment son esprit. Alors, il s'est dit qu'il serait vraiment dommage de ne pas partager cette chance avec d'autres. Car, comme chacun le sait, plus on est des fous, plus on lit."
Au sujet du Livre qui rend dingue, les billets de Mot-à-Mots, Saxaoul et L'Irrégulière.
A lire sur tablette, smartphone et compagnie .. ce n'est pas pour moi :-(((
RépondreSupprimerDésolée ! En revanche, moi du coup, je viens de télécharger L'homme qui rit gratuitement ...
SupprimerPlusieurs de ces passages m'ont fait sourire. Ce petit livre a l'air bien vu. La réflexion sur les lecteurs bloggeurs est un peu sévère, non?
RépondreSupprimerUn peu mais il doit bien y en avoir des comme ça ...
SupprimerUn roman passionnant.
RépondreSupprimerIntéressant et ùmarrant, en tout cas ...
SupprimerCe texte ne m'aura pas marquée, sans doute parce que j'ai du mal avec les nouvelles et les romans très très courts...
RépondreSupprimerCe n'est pas non plus ce que je préfère en général mais là, ça a fonctionné !
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